Abandon des valeurs cibles de LDL-cholestérol

Risque cardiovasculaire : les Américains changent de philosophie

Publié le 18/11/2013
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Crédit photo : PHANIE

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C’ÉTAIT ATTENDU par les spécialistes moins par les non initiés. Les deux grandes sociétés savantes ACC et AHA viennent d’éditer des recommandations communes sur le traitement du cholestérol pour réduire le risque cardiovasculaire, qui bouleversent les règles établies depuis 25 ans. A la différence des recommandations européennes, il n’existe plus de valeurs cibles de cholestérol à atteindre, tout est argumenté autour du risque cardiovasculaire qui peut être amélioré par des modifications du style de vie et/ou une statine. Seuls les résultats d’essais randomisés ont été pris en compte. Un bouleversement qui ne manque pas de faire débat au sein même de la communauté scientifique américaine puisque ces guidelines ne sont pas endossées par la "National Lipid Association", pourtant influente en la matière.

« Ces nouvelles recommandations sont excessivement basées sur les grandes études et perdent l’aspect pratique d’une prise en charge personnalisée, commente le Pr Eric Bruckert, qui dirige le service d’endocrinologie métabolisme de la Pitié Salpêtrière. Il y a une grande homogénéité entre l’évaluation du risque cardiovasculaire et la nécessité de traiter en fonction de ce risque. Les populations à risque identifiées dans ce document sont à peu près les mêmes que celles ciblées dans les recommandations européennes. Elles font disparaître la notion de seuil d’intervention qui a une certaine logique en Evidence Based Medicine mais qui ouvre la porte au fait qu’un certain nombre de patients ne seront pas à l’objectif. Les exigences sont moins fortes vis-à-vis des médecins ».

Les nouveautés.

Quelles sont les réels changement apportés par ces recommandations ? Toute l’argumentation scientifique repose sur les données des essais cliniques randomisés.

Premièrement, elles identifient 4 groupes de patients à risque d’événements cardiovasculaires qui doivent bénéficier d’une prévention primaire ou secondaire autrement dit d’une statine (en anglais : Identification of 4 Statin benefit groupes …),:

1) Les patients ayant fait un événement cardiovasculaire (prévention secondaire) ;

2) Les sujets ayant un taux de LDL cholestérol ≥ 1,9 g/l ;

3) Les diabétiques entre 40 et 75 ans ayant un LDL-C entre 0,7 g/lx et 1,89 g/l ;

4) Les sujets sans antécédent cardiovasculaire, non diabétique, âgé de 40 à 75 ans, dont le LDL-C se situe entre 0,7 g/l et 1,89 g/l et un risque CV ≥ 7,5 % évalué par le nouveau score de risque de Framingham ( voir encadré).

Pour argumenter ces décisions, l’ACC/AHA donne quelques exemples : ainsi, en prévention secondaire, de nombreux arguments plaident en faveur d’une diminution du taux de cholestérol, en revanche, aucun n’a permis d’identifier une cible de LDL. Par exemple, lorsqu’un patient obtient un taux de LDL à 0,78 g/l avec 80 mg de statine, il n’y a pas d’argument ( sous entendu d’essais cliniques randomisés) pour intensifier le traitement ou ajouter une « non statine » de manière à diminuer encore le RCV avec une sécurité.

Deuxièmement, le traitement repose sur les statines – après une discussion argumentée entre le clinicien et son patient- divisées en trois groupes d’intensité : forte ( baisse du cholestérol ≥ 50 %, ex : atorvastatine 40 à 80 mg, etc.), modérée (baisse du cholestérol entre 30 % et 50 %) et faible (baisse < 30 %, pravastatine 10-20 mg, lovastatine 20 mg, etc.).

Troisièmement, le monitoring du traitement consiste à réaliser un bilan biologique initial entre la 4e et la 12e semaine (cholestérol total, HDL-C, LDL-C). Le suivi s’effectue par la même biologie effectuée de façon rapprochée tous les trois mois, ou plus espacée, une fois par an.

« Le suivi biologique permet de savoir comment un patient réagit après mise en route d’une statine, explique le Pr Nicolas Danchin, cardiologue à l’hôpital européen Georges Pompidou, de savoir en premier lieu, si le patient prend ou pas le traitement sachant que la réaction aux statines reste très individuelle ».

Europe ?

Ces recommandations vont-elles venir jusqu’à nous ? D’aucuns estiment que la peur du juridique, ou de «ce qui n’est pas démontré» , qui a pu motiver ce bouleversement, pourrait bien influencer les sociétés savantes européennes. Une position qui n’est pas partagée par tous : « L’Europe ne va pas changer sa position » estime le Pr Eric Bruckert remarquant qu’une statine génériquée aux Etats-Unis ne vaut pas plus qu’un café par mois. Dans tous les cas, c’est bien la fin du « lower is better » qui aura eu ses heures de gloires.

2013 ACC/AHA Guideline on The Treatment of Blood Cholesterol to Reduce Atherosclerotic Cardiovascular Risk in Adults. http : // circ.ahajournals.org

Dr ANNE TEYSSÉDOU-MAIRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9281