Un radiologue expose

Rodolphe von Gombergh, artiste de la transparence

Publié le 09/11/2010
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Crédit photo : R. VON GOMBERGH

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Crédit photo : R. VON GOMBERGH

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Crédit photo : DR

IL FIXE le rendez-vous un samedi. Pas pour vous montrer qu’il travaille beaucoup (ce qui est la réalité) mais pour éviter de devenir schizophrène. Le samedi, le cabinet de radiologie est fermé et Rodolphe "von" Gombergh peut devenir artiste à plein temps. Crinière blanche, chemise blanche ornée de pins de col dorés, qui sont aux artistes ce que la « pin collar » (épingle de col) est à certains cols blancs, lunettes couture, polo noir décoré par un peintre célèbre. L’artiste, c’est lui, on ne peut pas se tromper.

Le samedi, donc, il vous reçoit avec cordialité juste à côté du cabinet, dans son « atelier ». Un atelier de plasticien d’images où les écrans et les ordinateurs remplacent les toiles et les pinceaux. Sa matière : une gigantesque base de données à stocker, des millions d’images issues des scanners et des échographes du cabinet, à sélectionner, trier, reconstruire, colorer, animer avec des logiciels de plus en plus sophistiqués.

Les images, il est tombé dedans quand il était petit. Parce que son père était radiologue, il a toujours été fasciné par les machines à faire des images. Et quand il est devenu médecin à son tour, il n’a eu de cesse d’être en pointe sur les techniques d’imagerie. Il a été l’un des premiers à s’équiper d’un échographe 3D, d’un scanner 3D, à présenter des coloscopies virtuelles… Avec un si bel équipement, on attire forcément les patients les plus exigeants.

Trésors cachés.

Aussi, quand on lui demande de raconter les débuts de sa carrière artistique, il explique que cela s’est fait tout seul : ses images de bébés en 3D, dans le sein de leur mère, ont été remarquées par un ami enthousiaste. « C’est de l’art, m’a-t-il dit, tu devrais faire une exposition. » À Beaubourg ? Chiche. Et l’ami de téléphoner à Jean-Jacques Aillagon, alors conservateur du centre Pompidou. Il y présente, à l’automne 1996, « Avant de naître, le premier domicile connu ». Le public découvre ces images bouleversantes, photos, hologrammes, vidéos, si élaborées, si retravaillées qu’elles ont acquis une dimension extramédicale.

L’artiste était lancé. Rodolphe von Gombergh a trouvé un nom pour sa démarche artistique : le Virtuel Life art (V.L.Art) selon lequel toute vie n’est que transparence « J’ai inventé l’homme transparent, dit-il, avec la possibilité de jouer sur la couleur et sur la transparence, le mouvement et la possibilité de voyager à l’intérieur du corps ou d’un objet. » Les images nées du vivant sont plus riches que les images de synthèse.

À l’invitation de Jean-François Jarrige, directeur du musée Guimet, il réalise en 2005 une série sur les Bouddha. Passés au scanner, les Bouddha révèlent leurs trésors cachés : des perles et de petits manuscrits en sanscrit qu’une simple radiographie ne pouvait déceler et que la reconstitution en 3 D a fait apparaître. Suit une exposition au musée Guimet sur « la vie intérieure des Bouddha ». En 2007, ce seront les « Femmes transparentes » exposées à la Maison européenne de la photographie. Des femmes transpercées, tronçonnées, trouées... La technologie d’affichage a progressé, les écrans plats permettent de restituer des autostéréoscopies en réseau lenticulaire ou des vidéos 3D, la télé en relief arrive et sans lunettes. Principe : une œuvre par écran et toujours allumée.

Pour sa nouvelle exposition, Rodolphe van Gombergh a choisi de croquer la pomme. Celle d’Ève. Le fruit défendu. Balayez une pomme au scanner, elle vous le rendra au centuple. L’artiste a concocté des plongées dans la pomme et cela donne la vidéo « Du Big Bang à Big Apple », car le cœur d’une pomme, c’est une galaxie. Le trognon ? Une pure merveille en 3D.

Le lundi, le Dr Rodolphe Gombergh redevient radiologue à temps plein. « Les patients me passionnent ». Parfois, il leur fait prendre la pose (très courte), dans le tunnel. « Ça les détend. » Et s’ils deviennent œuvre d’art ? « Ça les amuse… »

* « Trans-apparence », Maison de la photographie, 5/7 rue de Fourcy, 75004 Paris. Tél. 01.44.78.75 00. Ouvert tous les jours de 11 à 20 heures, sauf les lundis, mardis et jours fériés.

MARIE-FRANÇOISE DE PANGE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8853