« Soigne-moi et tais-toi », « connard » : des médecins outrés par des affiches injuriant les gynécologues

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Publié le 13/01/2018
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Crédit photo : ufml

Les gynécologues obstétriciens ne s’attendaient sans doute pas à un tel accueil en arrivant au Grand Palais de Lille, pour assister aux 41e Journées nationales du CNGOF (1), le 5 décembre dernier. Des dizaines d’affiches dénonçant avec véhémence la maltraitance gynécologique étaient placardées sur les lieux du congrès, avant d’être retirées par les organisateurs.

« Mon consentement doit être demandé et son refus respecté, connard », « Soigne-moi et tais-toi »... Pour l’UFML, qui n’a découvert ces affiches que récemment, les auteurs de ces messages ont franchi un nouveau pallier dans le « gynéco-bashing ». « On a été interloqué par le ton insultant et la violence des propos », explique au « Quotidien » le président du syndicat de médecins, le Dr Jérôme Marty. « Il y a visiblement des gens qui n’ont plus aucune limite dans l’invective », regrette le médecin.

Les messages ne sont pas signés. Mais leurs auteurs seraient aussi à l’origine d’un texte publié en ligne très vindicatif, expliquant que leur démarche vise à « protester contre à la fois ce colloque, la profession et le système qui protège les violeurs en blouse blanche ».

« La culture du viol et le mépris de l’intelligence et de l’intégrité des patientes sont au cœur de la profession [de gynécologue obstétricien] », écrivent-ils. […] Nous dénonçons ces pratiques ainsi que l’impunité dont bénéficient largement les médecins. La gynécologie ne peut rester une zone de non droit où les violences sont passées sous silence. »

Risques de dérapage

Pour le Dr Jérôme Marty, ces propos pourraient avoir des conséquences dramatiques. « C’est quoi la prochaine étape ? Tuer un gynéco ? Quand vous rabâchez sur la place publique qu’il y a des soignants qui ont la culture du viol, qui torturent leurs patients… vous n’êtes pas à l’abri qu’une personne un peu fragile et en désaccord avec son médecin ne s’en prenne à lui physiquement. »

Le Dr Bertrand de Rochambeau, président du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France (SYNGOF), s’alarme lui aussi de cette escalade verbale. « Ça va mal se terminer. Un jour ou l’autre, une personne va en venir aux mains, comme ça arrive dans les cabinets. On sait tous l'ambiance d'insécurité qui règne aux urgences. Ça peut aussi arriver à la maternité », prévient-il. Le médecin ne refuse pas le dialogue et affirme que sa profession se remet en question. « Les critiques, nous les entendons. Les injonctions aussi, mais pas quand ça se termine par une insulte », insiste le Dr de Rochambeau pour qui une ligne jaune vient d’être franchie.

« Que des femmes aient à souffrir de certaines pratiques, c’est tout à fait possible, regrette le Dr Marty. Et dans ce cas, elles doivent porter plainte. Mais de là à jeter le discrédit sur toute une profession ! »

Des affiches condamnées par les militantes féministes

Ces affiches ont été condamnées par le collectif « Le OFF du CNGOF », présent à Lille à l’ouverture du congrès. Lors d’un happening organisé devant le Grand Palais, leurs membres ont de nouveau condamné les « violences obstétricales », monnaie courante dans la profession, selon elles.

Dans un billet publié en ligne, leur chef de file, Marie-Hélène Layahe (2), a dénoncé l’outrance des affiches « hostiles aux professionnels » et « apposées en toute illégalité ». « Notre action n’avait rien à voir avec ces actes répréhensibles. Nous condamnons fermement tous ces actes de vandalisme et nous nous désolidarisons totalement de leurs propos proférant des insultes gratuites », écrit la militante féministe.

Sur Internet, les réactions sont moins tranchées. Les insultes proférés à l’égard des gynécos passent largement au second plan du message véhiculé par les affiches appelant à plus de respect pour les patients et pour le consentement préalable.

(1) Collège national des gynécologues et obstétriciens français
(2) Auteure du blog « Marie accouche là » et du livre « Accouchement, les femmes méritent mieux » (paru le 4 janvier 2018 aux éditions Michalon)


Source : lequotidiendumedecin.fr