Courrier des lecteurs

Stages : le terrain avant tout !

Publié le 05/03/2018
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Notre ministre de la santé se soucie depuis quelques semaines de l’accessibilité aux soins de nos concitoyens. Elle refuse d’accepter l’existence de zones dépourvues de professionnels de santé (je le comprends très bien). Pour attirer les jeunes dans les zones rurales elle se propose de verser une « légère » prime pour les tenter. Bien entendu, une telle intention est tout à fait louable, mais il me semble nécessaire de prendre l’air du temps sur le terrain.

Ainsi, elle pourra voir que certains généralistes s’investissent pour attirer les jeunes en leur offrant des logements, et leur permettant également de les suivre dans leurs études (il faut rester corporatiste). La ministre insiste bien sur la nécessité de donner une priorité aux stages en milieu rural. En pratique, nous voyons que ces stages ne sont pas nécessairement pourvus, ou peu appréciés par les étudiants car loin de l’université.

Pourquoi dans ce cas ne pas limiter les places de stage dans les villes universitaires, et insister fortement auprès des 4èmes années pour qu’ils puissent faire des stages en milieu rural ? En pratique, les jeunes de 4ème et 5ème années choisissent difficilement ces stages car ils pensent à bosser les ECN (une réforme me semble nécessaire à cet égard) ou préfèrent rester dans le cocon universitaire. C’est ainsi que depuis 6 mois je n’ai reçu aucun externe de 4ème année (ils sont logés gratuitement) !

Bien entendu, venir en stage ne va pas nécessairement changer l’opinion concernant la pratique en milieu rural de ces futurs confrères. Cependant, l’échange que nous pouvons avoir est très enrichissant pour tous, et permet parfois de redresser des idées fausses. Ainsi, une ancienne externe qui souhaitait devenir cardiologue a brillamment réussi ses ECN (moins de 2000), et a décidé à l’issue du stage de devenir généraliste en milieu rural. Nombreux sont les confrères (ils appartiennent à « la base ») qui font le maximum pour communiquer leur passion, et montrer aussi qu’ils peuvent épauler les étudiants durant leur cursus pour les motiver en cas de déprime ou de problèmes.

N’oublions pas que les études médicales sont psychologiquement difficiles, et nombreux sont les étudiants qui n’ont pas l’occasion de confier leur détresse à des agents administratifs universitaires. Parfois en partageant le quotidien (un mois suffit souvent) avec les praticiens, ils arrivent à se lâcher et se confier. Nous sommes là pour effectuer ce travail également. Souvent en étant détaché de son milieu d’origine, les confidences de l’externe sont plus faciles à obtenir… Aussi il est nécessaire de nous donner à nous les « ruraux » l’opportunité de recevoir en stage ces jeunes. Ainsi, cela va leur permettre d’être professionnellement épanouis.

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Dr Pierre Francès, médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin: 9645