Décidément, c’est la surprise de cette campagne : les Français s’intéressent de près à la santé. Si l’on en croit les animateurs du pôle santé de la campagne Macron, les remontées de terrain ont été en tout cas aussi massives que cruciales pour bâtir le programme du candidat d’En Marche ! « La « Grande marche » a été l’occasion de donner la parole à 100 000 personnes. Et beaucoup d’idées sont remontées sur la santé », explique en effet le Pr Jérôme Salomon. « Je n’imaginais pas à quel point la santé serait un enjeu majeur de la présidentielle. Nous avons reçu énormément de contributions d’origines très diverses, médecins généralistes, praticiens hospitaliers, infirmières, Igas, directeurs d’ARS… », détaille celui qui fut le conseiller de Bernard Kouchner dans les années quatre-vingt-dix et était encore en charge de la sécurité sanitaire au cabinet Touraine jusqu’en 2015. Ce responsable santé de l’écurie Macron se montre encore surpris de cet intérêt populaire pour la santé : au total près de la moitié des retours du terrain ont porté sur les questions de santé. « Les gens sont plutôt satisfaits quand ils évoquent leur état de santé, mais ils s’inquiètent des problèmes d’inégalités de santé et d’accès aux soins, » diagnostique l’infectiologue et spécialiste de santé publique qui enseigne au Cnam.
Le comité des neuf à la barre
[[asset:image:11674 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":["Capture d\u0027\u00e9cran you tube"],"field_asset_image_description":[]}]]Ils sont huit avec lui à alimenter la machine à idées de l’ancien ministre de l’Economie sur la santé. Jusqu'à la démission mardi de l’hypertensiologue Jean-Jacques Mourad, président du Comité français de lutte contre l’HTA -auquel l'association Formindep reproche des liens d'intérêts avec Servier- l'existence de ce staff était assez discrète. Le chirurgien viscéral de Strasbourg, Patrick Pessaux en fait, lui, toujours partie : « Les groupes d’experts comme le nôtre se sont mis en place après la réunion de la Mutualité en juillet, », expliquait-il récemment sur le compte facebook de "Santé en marche". En fonction de l’ordre du jour, cette task force invite parfois deux ou trois experts en plus. Pendant que des sous-groupes font plancher jusqu’à une quarantaine d’experts au sein de groupes thématiques. Dans cette galaxie, on trouve professionnels du soin, mais aussi économistes de la santé ou hauts fonctionnaires qui cultivent la discrétion, et bien sûr des profils plus politiques.
L’ancien député de l’Isère, Olivier Véran est une des chevilles ouvrières du pôle santé. « J’ai rencontré Emmanuel Macron dans un voyage officiel ; il était ministre de l’Economie et j’étais alors député ; et on a sympathisé. Et quand il a monté "En Marche", il est venu m’en parler, » raconte-t-il, évoquant néanmoins un délai de décence avant de se rallier publiquement. « Je suis socialiste, alors j’ai d’abord laissé passer la primaire », explique celui qui s’assume social-démocrate et qui, après avoir été rapporteur de la loi santé se dit toujours « solidaire du bilan du gouvernement. » A une sérieuse nuance près toutefois : le TPG, un sigle dont les macronistes transformeraient la dernière lettre, de « généralisé » en « généralisable », histoire de bien montrer – aux médecins notamment- qu’avec Macron on entend convaincre plutôt que contraindre…
L'expérience d'un généraliste sénateur
[[asset:image:11675 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":["Garo\/Phanie"],"field_asset_image_description":[]}]]A ses côtés, un généraliste participe aussi aux réunions du staff santé. Michel Amiel, 62 ans, a été installé 35 ans dans la banlieue de Marseille, cheville ouvrière en 1986, d’un centre médical qui était une maison de santé pluridisciplinaire avant la lettre, créé, rappelle-t-il non sans fierté, « sans un centime d’argent public ». Cet ex-socialiste, longtemps maire des Pennes Mirabeau et en charge des questions de santé au conseil général des Bouches du Rhône plus de 15 ans a quitté le PS il y a quelques années. Il est aujourd’hui sénateur, mais il suffit de l’entendre présenter les priorités santé de son champion pour se rendre compte qu’il reste généraliste dans l’âme. « On n’exerce plus la médecine comme lorsque je me suis installé en 1978, » explique celui dont le candidat se veut le mieux disant pour accompagner l’essor des MSP. C’est toujours son expérience de soignant, qui l’amène à s’intéresser aux problèmes psy des mineurs (il termine une mission parlementaire sur le sujet) ou aux soins palliatifs : à la Haute Assemblée, il fut le rapporteur de la deuxième loi Léonetti et a contribué au compromis trouvé sur la fin de vie, un sujet sur lequel Emmanuel Macron est resté discret pour l’instant.
On entre dans une nouvelle phase
Mais la fourmilière santé d’Emmanuel Macron n’a sans doute pas fini d’étonner. Jusque-là, l’écurie de l’ancien bras droit de François Hollande s’est surtout distinguée en promouvant "la révolution de la prévention", annonçant aussi des avancées sur le remboursement des prothèses auditives ou du dentaire et lâchant çà et là quelques pistes sur la nécessaire évolution des modes de rémunération. Chez Macron, on surfe notamment sur les aspirations des jeunes, censés vouloir travailler autrement. Le programme santé pourrait encore s’étoffer au fil des semaines. En tout cas, Jérôme Salomon ne l’exclut pas. « D’autres annonces seront faites régulièrement. Et la santé ne fera pas exception », dit-il, soulignant par ailleurs, volontaire : « notre mission ne fait que commencer… »
[[asset:image:11676 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]On semble néanmoins entrer dans une nouvelle phase de la structuration du programme. « Maintenant que les bases sont lancées, nous devons convaincre et être prêt à mettre en œuvre ce changement, » poursuit en effet Jérôme Salomon. Fin janvier, une rencontre a ainsi réuni 150 personnes pour prendre le pouls des acteurs de santé. Et depuis deux ou trois semaines, collèges, syndicats, Ordres et sociétés savantes sont auditionnées pour tester la réception des axes santé.
Et déjà, on prépare la suite… On sent le Professeur de santé publique impatient de passer aux travaux pratiques : « sur la prévention, par exemple, il va falloir complètement repenser le PLFSS 2018, prévoir un acte de prévention, des parcours de soins plus efficaces, » projette le coordonnateur du groupe santé. À toutes fins utiles, il assure qu’au stade de la mise en œuvre aussi, la démarche participative ne sera pas abandonnée : « on ne peut avancer qu’avec les professionnels de santé… » Même insistance sur la méthode du côté d’Olivier Véran, qui met en avant la concertation. Et même détermination également pour celui qui fut autrefois chef de file des internes en médecine : « Macron est jeune et a une vraie vision de la santé. J’espère qu’il sera président. En tout cas, on sera prêt ! »
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