Thérapie cellulaire de l'œil : un épithélium pigmentaire fonctionnel… d'un battement de cils

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Publié le 03/01/2018
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Crédit photo : Phanie

L'efficacité fonctionnelle d'un épithélium pigmentaire rétinien est suspendue à la présence de cils primaires à la surface des cellules qui le composent. C'est la conclusion apportée par des travaux publiés dans « Cell Reports » par des chercheurs de l'Institut national de l'œil (un des instituts nationaux américains de la santé) et de l'institut de physiologie moléculaire de l'université allemande Johannes-Gutenberg.

Grâce à une série d'expériences menées in vitro sur des épithéliums pigmentaires rétiniens créés à partir de cellules IPS dérivées de cellules humaines matures, les chercheurs ont décrit le rôle de petites protubérances tubulaires (appelées cils primaires) dans la survie de l'épithélium pigmentaire rétinien. Les cils primaires sont des cils cellulaires assurant une fonction sensorielle pour le compte des cellules auxquelles ils sont rattachés. Les patients atteints de ciliopathies génétiques présentent de nombreux symptômes, dont fait d'ailleurs partie la dégénérescence de la rétine.

Les travaux publiés dans « Cell Reports » pourraient avoir de fortes implications dans le développement de thérapies cellulaires visant à remplacer l'épithélium de patients atteints de pathologies comme la dégénérescence maculaire liée à l'âge. « Nous avons maintenant une meilleure idée de la façon dont on peut régénérer et remplacer l'épithélium pigmentaire », se réjouit Kapil Bharti, auteur principal de l'étude. Il compte s'appuyer sur ces résultats pour modifier le protocole d'un essai de thérapie cellulaire de patients atteints de DMLA qu'il va mener en 2018. En France, le programme STREAM (Stem cell Therapy for Retinal Epithelium replacement Assay in Monogenic retinopathies) vise à traiter certaines rétinites pigmentaires par implantation d’un feuillet d’épithélium pigmentaire issu de cellules souches embryonnaires. Le premier patient de cette étude monocentrique sera opéré fin 2018.

Problème de maturation

La recréation d'un épithélium pigmentaire rétinien à partir de cellules IPS se heurte à un problème récurrent : « La maturation des cellules n'est souvent pas suffisante pour leur permettre de supporter de se connecter à la couche des photorécepteurs, explique Kapil Bharti. Quand la maturation est suffisante, cela coïncide avec la présence de cils primaires. »

Pour vérifier la corrélation entre présence de cils et épithélium fonctionnel, les chercheurs ont expérimenté 3 molécules connues pour moduler la croissance des cils primaires sur les cellules de l'épithélium pigmentaire. Les 2 premières molécules, qui stimulent la pousse des cils primaires, ont amélioré la maturation structurelle et fonctionnelle des cellules épithéliales dérivées de cellules IPS. Les cellules étaient mieux orientées, et formaient une couche monocellulaire, comme dans un épithélium normal. De plus, elles ont correctement « englouti » l'extrémité des photorécepteurs qui forment la couche voisine de la rétine.

Au contraire, la 3e molécule, qui, elle, inhibe l'apparition de cils primaires, est associée à un épithélium anatomiquement et fonctionnellement défectueux.

Une confirmation finale de ces données a été apportée par une expérience de mutagenèse dirigée visant à bloquer l'expression de la protéine IFT88 dans des cellules IPS. Privées de cette protéine essentielle pour la formation des cils primaires, les cellules épithéliales produites à partir de ces cellules IPS n'étaient pas correctement polarisées, et ne formaient pas un épithélium fonctionnel. Même constat avec un épithélium produit à partir de cellules IPS prélevées chez des patients atteints de ciliopathies.

Ce rôle des cils primaires ne serait pas spécifique à la rétine, puisque des observations similaires ont été faites par l'équipe de Kapil Bharti avec des cellules épithéliales de poumon. Un mécanisme proposé par les auteurs est la régulation par les cils primaires de la voie de signalisation des protéines Wnt impliquées dans l'embryogenèse. Si la croissance de cils primaires est régulée par des voies de signalisations différentes d'un organe à l'autre, certaines, comme la voie Wnt ou Sonic Hedghog, sont tout de même ubiquitaires.


Source : lequotidiendumedecin.fr