« Ce phénomène doit être connu afin d'améliorer la prise en charge des patients traités par des inhibiteurs de points de contrôle immunitaire immunitaire », souligne, dans un article publié dans Nature Reviews, une équipe d’oncologues du Département d’Innovation Thérapeutique et d’Essais Précoces (DITEP) à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif). Les deux principaux signataires, le Pr Jean-Charles Soria et le Dr Charles Ferté, ont récemment rejoint la société MedImmune, une filiale d’AstraZeneca.
Les inhibiteurs des points de contrôle immunitaire, ou inhibiteurs des checkpoints (anticorps anti-CTLA-4 et anti-PD1 ou anti-PD-L1) ont enrichi l’arsenal thérapeutique de nombreux cancers au stade avancé, notamment ceux qui présentent des multiples mutations générant des néoantigènes (forte charge mutationnelle) tels que le mélanome, le cancer bronchique non à petites cellules (CPNPC), le cancer du rein, le cancer de la vessie ou les cancers de la tête et du cou (ou VADS). Ces anticorps inhibiteurs bloquent des freins immunitaires et permettent ainsi de restaurer une immunité anti-tumorale, en réactivant les lymphocytes T cytotoxiques spécifiques des antigènes tumoraux. Mieux tolérés que les traitements cytotoxiques, ils ont néanmoins un nouveau profil de toxicités d’ordre immunologique (auto-immune ou inflammatoire). Ces immunothérapies procurent chez 10 à 30 % des patients une réponse tumorale prolongée avec une amélioration significative de la survie.
Le mode d’action des inhibiteurs des points de contrôle immunitaire entraîne des profils de réponse spécifiques et atypiques qui sont importants à connaître. Certains patients (5 à 10 %) présentent une « pseudo-progression », caractérisée par une croissance initiale de la tumeur (diagnostic posé par l'imagerie) suivie d'une réponse tumorale secondaire en rapport avec des phénomènes inflammatoires. Il est observé une amélioration significative de la survie.
Une réponse paradoxale précoce à l'immunothérapie
Par contraste, certains patients traités par anti-PD1/PD-L1 peuvent avoir une « maladie hyperprogressive » (non observée sous anti-CTLA-4), avec une accélération paradoxale de la croissance tumorale après le début du traitement et une survie considérablement réduite (en moyenne 3 mois). « Les patients devraient être informés qu’une maladie hyperprogressive est une progression paradoxale qui survient durant les premiers cycles de la monothérapie anti-PD1/PD-L1 ; elle n’a pas encore été observée après plusieurs cycles de traitement », précisent les auteurs.
L’incidence de la maladie hyperprogressive liée aux anti-PD1/PD-L1 (10 % en moyenne) est variable selon les tumeurs solides, allant de 9 % pour les patients atteints de mélanome à 29 % pour les patients atteints de cancer VADS, selon les études rapportées jusqu’ici.
Cette réponse paradoxale pourrait s’expliquer par plusieurs mécanismes potentiels : une expansion des cellules T régulatrices exprimant le PD-1 ; un épuisement des cellules T compensatrices ; une modulation des sous-groupes de cellules immunitaires pro-tumorigènes ; activation d’un signal inflammatoire anormal ou activation d’un signal oncogénique.
Comment surveiller la réponse au traitement ?
« Les critères radiologiques et les biomarqueurs actuellement utilisés pour évaluer la réponse thérapeutique sont des méthodes sous-optimales pour identifier et guider la prise en charge des patients ayant une maladie hyperprogressive liée au traitement anti-PD1/PD-L1 », soulignent les auteurs. L’équipe préconise plusieurs mesures.
Lorsque l’inhibiteur de point de contrôle est administré en première ligne, il est proposé de calculer le taux de croissance tumorale (TGR) durant le traitement, en intégrant 2 évaluations précoces par scanner - à 6 semaines (TGR1) et 10 semaines (TGR2)
En cas d'utilisation en deuxième ligne ou ultérieurement, les auteurs proposent de calculer la cinétique tumorale en intégrant l’imagerie avant le traitement (TGR - 1) et 6 semaines après le début du traitement (TGR1). Ainsi, la durée d’exposition aux anti-PD1/PD-L1 pourrait être réduite si l’on détecte à 6 semaines une accélération de la croissance tumorale.
Enfin, « l’évaluation des échantillons biopsiques tumoraux (tissu tumoral, biopsie liquide/sanguine) au moment de l’accélération de la croissance tumorale sera importante pour évaluer les mécanismes biologiques qui sous-tendent la maladie hyperprogressive, explorer la nature immunologique de ce phénomène, et identifier les meilleures stratégies thérapeutiques » souligne l’équipe,
Nature Reviews, Champiat et al. 25 octobre 2018 l
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature