Diagnostic d’infarctus du myocarde

Un nouvel algorithme de troponine hypersensible

Publié le 02/11/2015
Article réservé aux abonnés

Dans ses recommandations de 2011, la Société européenne de cardiologie avait suggéré l’utilisation de troponine de haute sensibilité et un protocole rapide associant évaluation initiale clinique, électrocardiographique et biologique avec dosage de la troponine (Tn) et redosage à H3.

Depuis, plusieurs équipes ont travaillé sur des protocoles plus courts et les résultats de deux études, BACC et TRAPID-AMI ont été présentées lors du congrès de l’ESC.

L’étude BACC, menée chez 1 045 patients avec douleurs thoraciques, suspects d’infarctus du myocarde (IDM), a mesuré la troponine I hypersensible (Abott manufacturer) et a comparé un algorithme d’une heure à celui de 3 heures. Le diagnostic d’IDM sans sus décalage du segment ST (NSTEMI) a été posé chez 184 patients et écarté chez les 793 autres. L’âge moyen des patients était de 65 ans ; ils présentaient de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension chez 70 %, dyslipidémie chez 44 %, diabète chez 15 % et tabagisme chez 23 %) ; des antécédents de coronaropathie étaient notés chez plus de 40 % d’entre eux.

Orientation rapide de plus de 50 % des patients

Alors que le 99e percentile est de 27 ng/l, les auteurs ont démontré que la valeur seuil idéale de troponine I (Tn I) hypersensible pour exclure tout IDM était de 6 ng/l. Ils ont testé un algorithme d’exclusion de l’IDM basé sur une concentration de Tn I hypersensible ‹ 6 ng/l à l’admission et à 1 heure. La valeur prédictive négative (VPN) est de 99,7 % (contre 98,4 % avec une valeur seuil de 27 ng/l).

Pour affirmer l’IDM, l’algorithme associe une valeur de TnI à H1 de plus de 6 ng/l, et une augmentation de plus de 12 ng/l entre H0 et H1. La valeur prédictive positive (VPP) est alors de 82,8 % pour les NSTEMI de type I et de 87,1 % pour les NSTEMI en général, et ces chiffres sont supérieurs à ceux obtenus si un protocole de 3 heures est utilisé.

Ce protocole a ensuite été validé dans deux cohortes distinctes, la cohorte APACE et la cohorte ADAPT ; les auteurs ont une fois de plus trouvé des VPN de plus de 99 % pour exclure tout IDM.

Un tel protocole permet de classer les patients en 3 catégories : sans IDM avec certitude (à plus de 99 %) pour 41 % d’entre eux, très probable IDM chez 11 % et en zone intermédiaire chez 47 %. Cet algorithme semble donc très fiable et permet une orientation rapide de plus de 50 % des patients.

Les autres patients doivent bénéficier d’une prise en charge classique avec répétition des dosages au-delà de la première heure, voire la réalisation d’autres examens complémentaires.

La deuxième étude, l’étude TRAPID-AMI, présentée à nouveau au congrès de l’ESC est la validation du protocole (dérivé de la cohorte APACE) de prise en charge rapide des patients suspects d’IDM à l’aide la troponine T à haute sensibilité (TnT Hs).

Cette étude multicentrique a inclus 1 245 patients avec douleur thoracique aiguë. L’algorithme était : exclusion de tout IDM lorsque la TnT Hs à l’admission est ‹ à 12 ng/l, avec une variation entre H0 et H1 ‹ à 3 ng/ l ; à l’opposé, le diagnostic d’IDM est affirmé en cas de concentration ≥ 52 ng/l à l’admission et un delta entre H0 et H1 ≥ 5 ng/l.

Le diagnostic d’IDM a pu être écarté chez 813 patients (63,4 %) avec une VPN de 99,1 % ; il a pu être affirmé chez 184 patients (14,4 %) avec une VPP de 77,2 % ; le diagnostic est demeuré incertain chez 285 patients (22,2 %).

Les recommandations de l’ESC

Ces résultats concordants ont été repris dans les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie qui inclut :

- La réalisation d’un électrocardiogramme en moins de 10 minutes.

- La mesure de la Tn conventionnelle ou de haute sensibilité et l’obtention des résultats en moins de 60 minutes.

- L’utilisation d’un protocole rapide H0-H3 si les Tn Hs sont disponibles (recommandation de Grade 1B).

- L’utilisation d’un protocole rapide H0-H1 si les Tn Hs avec cet algorithme sont disponibles (recommandation de GRAB 1B).

En conclusion, ces deux études nous apprennent qu’une prise en charge très rapide fondée sur un algorithme avec mesure de la Tn à l’admission et à la première heure permet l’orientation de 50 à 70 % des patients, et ceci en toute sécurité. Ensuite, la valeur seuil doit être inférieure au 99e percentile et il faut y ajouter l’absence de variation absolue (ce qui enterre définitivement ou presque les variations relatives dont nous étions coutumiers). Enfin, ces algorithmes ne sont valables que pour les deux seules Tn avec lesquelles ils ont été testés.

Hôpital universitaire Avicenne, Bobigny
Pr Christophe Meune

Source : Congrès spécialiste