Pas facile de s’y retrouver dans les arcanes du nouveau site ouvert l’an passé par le ministère de la Santé sur les liens d’intérêts. L’équipe de Salesway, société de conseil qui accompagne les Directions dans la prise de décision opérationnelle complexe, s’y est néanmoins aventurée. Ses experts réalisent ainsi le premier bilan de la transparence en matière de santé.
Un généraliste sur deux
Premier enseignement à retenir : presque tous les industriels sont concernés. Au total, 1?457?252 avantages ainsi que 627 854 conventions ont été recensés de juillet 2013 à juin 2014 pour un montant total de 146 millions d’euros. Le secteur du médicament représentant les deux tiers (106 M€) des libéralités dispensées, devant les dispositifs médicaux (32M€). L’analyse relève 169 laboratoires déclarants avec des budgets très variables, à peu près corrélés à la taille du groupe : deux millions en moyenne pour 15 000 bénéficiaires annuels chez un gros, 100 K€ pour 900 bénéficiaires annuels chez un petit. Dans le top 10 des investisseurs figurent dans l’ordre Novartis, Astrazeneca, MSD, Servier, Pfizer, GSK, Bayer, Sanofi Aventis, Janssen Cilag et BMS.
Deuxième leçon à tirer de cette première année de « sunshine act » à la française : il se confirme aussi qu’une grande majorité des professionnels du secteur perçoit des avantages. Au total, 260 000 praticiens en ont été destinataires sur l’Hexagone. Mais leur nombre varie beaucoup selon la spécialité.
Alors que, la proportion dépasse ainsi les 90% dans des disciplines comme la cardiologie, la pneumologie, la rhumatologie ou la dermatologie, elle ne concernerait pas plus de 50% des effectifs en psychiatrie ou en médecine générale. Cette dernière discipline représentant 19% des professionnels de santé bénéficiaires.
Même constat d’écart entre disciplines si l’on s’intéresse aux montants. En moyenne, chaque laboratoire, quelle que soit sa taille, dépenserait 160 euros par blouse blanche. Hématologues, endocrinologues et oncologues sont les plus courtisés. Mais l’écart reste important entre le cardiologue, le rhumatologue ou le pneumologue, tous autour de 1?200 € par an et les 413 € du généraliste, en passant par une moyenne de 856 € pour l’ophtalmologiste, 563 € pour le dermatologue, 584 € pour le psychiatre et 534 € pour le pédiatre. Chez Salesway, on n’est guère surpris par ce constat : « Les spécialités les plus ciblées sont, sans surprise, celles pour lesquelles l’innovation médicamenteuse est la plus forte », commente-t-on. Reste que dans certains départements médicalement sous-denses, les généralistes sont parfois plus ciblés que certains spécialistes comme les pédiatres, les dermatologues ou les psychiatres.
À quoi servent les sommes versées ? D’après l’analyse de Salesway, plus de la moitié permet aux acteurs de santé de participer à des congrès et un tiers est enregistré sous la rubrique « relations publiques », alors qu’un dixième est versé sous forme de dons, qu’1% seulement soutient la formation et qu’en bonne logique le montant des cadeaux flirte avec les... 0% ! Dans le détail, on s’aperçoit aussi que 44% des avantages sont rassemblés sur le dernier trimestre de l’année, plus fourni que les autres en congrès, avec un pic en octobre et un creux au mois d’août.
Encore des zones floues
Ce tour d’horizon de la transparence santé post-loi Bertrand permet pour la première fois d’y voir plus clair dans les relations financières entre industriels et prescripteurs dans le secteur de la santé. Ses auteurs n’en pointent pas moins la difficulté de s’y retrouver dans le maquis de transparence.sante.gouv.fr, le site public du ministère de la Santé. «?Le site internet est plutôt facile d’utilisation et est orienté grand public. C’est la base de données qui pourrait être améliorée », souligne l’un des auteurs de l’étude, Jonathan Trouche. Difficile ainsi d’identifier les praticiens via leurs codes RPPS, par exemple et même de cerner avec précision leur spécialité dont la déclaration demeure libre. Et c’est pour ne rien dire des conventions qui, en tant que telles, échappent à tout chiffrage. Ou du flou qui entoure la classification des avantages : « On retrouve ainsi près de 120 façons de déclarer un repas », pointe Jonathan Trouche.
Au total 40% des bénéficiaires identifiés par Salesway se retrouvent donc dans la catégorie « autres spécialités » faute de mieux. Et les auteurs estiment, par ailleurs, que « les deux tiers des investissements marketing et notamment des coûts pour les congrès restent non déclarés. »
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