B EINEIX, le réalisateur surdoué de « Diva » et « 37,2 le matin », avait perdu depuis 1992 (« IP5 », avec Yves Montand) « l'envie de tourner ». « Alors j'ai fait autre chose, explique-t-il. J'ai milité, pour le cinéma français contre l'AMI, j'ai peint, j'ai voyagé, j'ai commencé à jouer du piano et j'ai réalisé et produit des documentaires. (...) J'avais envie de voir des gens, des vrais ! ». Et puis Jean-Pierre Gattégno, dont il n'avait pu adapter le premier roman (« Neutralité malveillante », devenu « Passage à l'acte », réalisé par Francis Girod), lui a envoyé « Mortel transfert », roman dans lequel il a vu « l'occasion d'aborder la psychanalyse à travers une intrigue policière inhabituelle et grinçante, comme les gonds mal huilés d'une libido détraquée ». Beineix s'est donc lancé dans l'aventure, se chargeant lui-même du scénario et des dialogues, en s'amusant « à décaler le thriller psychologique, le film de genre ». Résultat : un film inclassable même si à première vue il s'agit d'un thriller avec meurtre et mystère.
Tout commence dans le cabinet d'un psychanalyste joué par Robert Hirsch, orné de tableaux baroques dont l'un, signé de Pierre Peyrolle, bien qu'antérieur, évoque le dernier film de Kubrick, « Eyes Wide Shut », d'autres éléments du film pouvant faire penser à Hitchcock. Mais le héros de « Mortel transfert » est un autre psy, incarné par Jean-Hugues Anglade, qui va avoir bien des déboires et des mésaventures à cause d'une de ses patientes, belle, provocatrice et kleptomane (Hélène de Fougerolles).
On n'aura pas la cruauté d'en dire plus sur une intrigue à rebondissements qui mêle des personnages hauts en couleur et associe sans rupture le drame et le rire, le suspense et la réflexion. S'il s'endort sur son fauteuil en écoutant ses patients, il doit aussi beaucoup courir, le malheureux psy, et on ne s'ennuie pas à le suivre.
Jean-Hugues Anglade est parfait dans ce rôle, tout comme Robert Hirsch, qui ne rate pas ses deux scènes. Hélène de Fougerolles fait une composition très physique et séduisante. Et les seconds rôles sont à l'unisson : Miki Manojlovic (l'un des acteurs fétiches de Kusturica), Yves Rénier, Catherine Mouchet, Denis Podalydes, Jean-Pierre Becker, Valentina Sauca.
Que l'on s'intéresse ou non à la psychanalyse, on devrait trouver dans « Mortel Transfert » de quoi nourrir ses fantasmes. N'est-ce pas le rôle du cinéma ?
Un métier à risques
Pour Jean-Pierre Gattégno, l'auteur du livre, le métier de psy « est probablement l'un des derniers métiers à risques ». « Des relations violentes peuvent se nouer au cours de la cure analytique », confirme le Dr Gilles Valet, qui a donné à Beineix son avis de spécialiste « sur la crédibilité du scénario et sur le profil psychopathologique des personnages ». « Le psychanalyste a la responsabilité de l'évolution de l'analyse, note le Dr Vallet. Elle n'est pas qu'une introspection sur soi, où l'on cherche quelque chose d'intellectuel. Certains patients vont très mal et demandent une aide véritable. Avec parfois plus ou moins de violence et d'agressivité ».
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