Grèce-Europe : la donne n’a pas changé

Un référendum pour rien

Publié le 09/07/2015
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François Hollande et Angela Merkel lundi à Paris

François Hollande et Angela Merkel lundi à Paris
Crédit photo : AFP

On peut, comme Henri Guaino, regretter que les Grecs paient si cher leur appartenance à un système qu’il réprouve. Mais de même qu’ils ont voté « non » dimanche dernier, de même ils ont adhéré à la zone euro il y a quelque quinze ans avec enthousiasme et en ont largement profité. On peut, comme Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge, regretter que l’Europe n’ait pas atteint ce statut fédéral qui lui aurait permis de secourir la Grèce par un simple effort budgétaire. Mais il y a une crise urgente et il faut la résoudre. Le référendum, dans ces conditions, n’a servi à rien. Il n’a pas servi à ouvrir les banques grecques, qui sont à sec. Il n’a pas permis de lancer des réformes en Grèce qui auraient mis fin à la corruption, au clientélisme, à l’incapacité de l’État de recouvrer l’impôt. Il n’a pas soulagé les Grecs les plus pauvres. Il n’a pas taxé les plus riches.

M. Tsipras demande que l’Europe tire un trait sur une centaine des trois cents vingt milliards de dette grecque. M. Verhofstatdt dit que c’est une somme négligeable par rapport aux seize milliards de produit intérieur brut (PIB) de l’Europe. Oui, mais quel précédent ! Pourquoi l’Italie, l’Espagne, le Portugal et même la France ne béféficieraient-ils pas d’une telle générosité ? Tout simplement parce que, alors, le PIB européen n’y suffirait pas. Les Grecs nous demandent des mesures exceptionnelles parce qu’ils seraient accablés par une crise exceptionnelle. La vérité est que M. Tsipras, loin de lancer de nouvelles réformes depuis qu’il a pris les rênes du pouvoir en janvier, a cru que ses interlocuteurs européens allaient partager sa vue strictement politique de la crise grecque, au détriment de l’affreuse réalité des chiffres. Il s’est lourdement trompé et il ne peut espérer un effacement partiel de sa dette que s’il se donne au moins les moyens d’équilibrer son budget, seule façon de cesser d’emprunter.

Barbarie eurocratique.

La crise grecque, pays affreusement vulnérable, découle de la crise en Europe. Quel que soit notre PIB, nous avons nous-mêmes, en France ou ailleurs, des déficits publics que nous maîtrisons fort mal. Dire que les Grecs peuvent prendre leur retraite à un âge précoce, c’est supposer que les Français partiront plus tard à la retraite pour payer une partie des pensions grecques. C’est une forme injuste et même scandaleuse de solidarité. En revanche, si tous les Européens prenaient leur retraite à la même date, il serait logique qu’existe un Fonds commun européen des pensions. On en est loin. De la même manière, il n’y pas de raison que les commerçants français ou allemands paient la TVA quand leurs homologues grecs évitent par tous les moyens de la payer, ou que l’impôt foncier est difficile à recouvrer en Grèce parce que le cadastre n’existe pas.

François Hollande fait tout pour que la Grèce reste dans la zone euro. Son souci est de prouver à la gauche et à l’extrême gauche qu’il se bat pour les Grecs, ces victimes de la barbarie eurocratique. Il ne croit pas un mot de l’analyse de l’extrême gauche, qui voit dans le sursaut politique grec les prémices de l’arrivée au pouvoir de Podemos en Espagne et autres partis italien, belge, allemand insurgés contre la zone euro et l’Union européenne. Mais il pense à sa réélection en 2017 et sa stratégie consiste à rassembler tous ceux qui ne veulent ni de la droite ni du Front national. Est-ce de cette manière, est-ce avec cette vision personnelle, égoïste, étriquée que l’on changera la Grèce et le système européen ? Peut-il en outre croire qu’il parviendra à séduire l’aile gauche du PS et les écologistes en leur donnant quelques gages, alors qu’il est censé être engagé, avec Manuel Valls, dans une politique économique sociale-démocrate ? Folie grecque, stupeur des Européens, politique de Gribouille, plans vaseux : pauvre Europe !

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9427