«NOUS PRÉCONISONS une stratégie restrictive de transfusion chez les enfants dont l'état est stable en USI. Cette recommandation, cependant, ne peut être appliquée aux nourrissons prématurés, aux adultes âgés, aux patients atteints de maladie coronarienne, ni aux enfants ayant une hypoxémie sévère, une instabilité hémodynamique, une hémorragie active ou une cardiopathie cyanosante», notent en conclusion le Dr Jacques Lacroix (université de Montréal) et son équipe, dans le « New England Journal of Medicine ».
Un taux d'hémoglobine inférieur à 10 g/dl est fréquemment observé en réanimation et la correction de l'anémie par la transfusion de concentrés de globules rouges (CGR) a pour principal objectif d'accroître le contenu artériel en O2 et d'éviter ainsi les conséquences délétères de l'anémie.
Tolérer la baisse d'apport d'oxygène.
Jusqu'à la moitié des enfants hospitalisés en réanimation sont transfusés. Pourtant, les enfants en état critique, mais stable, pourraient tolérer la baisse d'apport d'oxygène associée à un degré modéré d'anémie.
Une étude randomisée (TRICC) menée chez environ 800 adultes hospitalisés en réanimation a suggéré qu'une stratégie restrictive de transfusion (seuil transfusionnel, Hb < 7 g/dl) pourrait, en fait, être supérieure à une stratégie libérale (seuil transfusionnel, Hb < 10 g/dl).
Toutefois, on ne dispose d'aucune étude rigoureuse équivalente menée chez les enfants en réanimation, qui permette de guider les décisions transfusionnelles dans cette population pédiatrique.
L'étude TRIPICU (Transfusion Requirements in the Pediatric Intensive Care Unit) de Lacroix et coll. «représente une avancée notable dans l'étude de la transfusion des globules rouges chez les enfants», soulignent dans un éditorial les Drs Corwin et Carson. Ils notent, en outre, ses «incidences pour comprendre le rôle de telles transfusions chez l'ensemble des patients gravement malades».
L'étude TRIPICU porte sur 637 enfants (âgés de 3 jours à 14 ans) en état critique, mais stable, qui présentaient un taux d'hémoglobine inférieur à 9,5 g/dl dans les 7 jours suivant l'admission en unité de soins intensifs (USI).
Ces enfants ont été enrôlés entre 2001 et 2005 dans 4 pays (Canada, Etats-Unis, Royaume-Uni et Belgique). Les seuils de transfusion adoptés par les investigateurs sont de 7 g/dl comparés à 9,5 g/dl, autrement dit similaires à ceux de l'étude TRICC.
Les enfants anémiés ont été randomisés en deux groupes : groupe transfusé avec une stratégie restrictive (transfusion de CGR déleucocytés si le taux d'Hb est inférieur à 7 g/dl) et groupe transfusé avec une stratégie libérale (transfusion si le taux d'Hb est inférieur à 9,5 g/dl).
Au moins aussi sûre que la stratégie libérale.
Les résultats montrent que la stratégie restrictive permet de diminuer nettement le nombre d'enfants transfusés (seulement 46 % de transfusés contre 98 % avec la stratégie libérale), et réduit de 44 % le nombre de transfusions érythrocytaires.
De plus, la stratégie restrictive semble au moins aussi sûre que la stratégie libérale, puisqu'elle n'augmente pas le risque de défaillance multiviscérale (12 % dans les deux groupes) ; le taux de décès dans le premier mois de la randomisation est également le même dans les deux groupes (14 décès).
Comme le notent les investigateurs, ces résultats diffèrent de ceux observés chez les adultes. En effet, dans l'étude TRICC chez les adultes, le taux de progression des défaillances multiviscérales était plus élevé avec la stratégie libérale de transfusion et la mortalité hospitalière était accrue.
L'une des raisons de cette différence, avancent les chercheurs, pourrait être le non-usage des CGR déleucocytés dans l'étude chez les adultes. La déleucocytation dans l'étude chez les enfants pourrait avoir contribué à la prévention des effets nocifs de la transfusion, en particulier dans le groupe de stratégie libérale.
«Un seuil transfusionnel de 7g/dl pour la plupart des adultes et des enfants gravement malades semble approprié», estiment les éditorialistes. Un seuil supérieur pourrait être indiqué pour les patients ayant une maladie cardio-vasculaire, en attendant des essais cliniques supplémentaires.
Lacroix et coll. « New England Journal of Medicine », 19 avril 2007, p. 1609.
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