Le modèle italien fait peur

Un vertige anti-européen

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Publié le 08/03/2018
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Un vertige anti-européen

Un vertige anti-européen
Crédit photo : AFP

Mme Loiseau a très justement noté que l'Italie est l'un des pays fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE), devenue plus tard Union européenne (UE), et laissait donc entendre que, à ce titre, elle désavouait son passé. La fragilité actuelle de l'Union tient principalement à l'incapacité de ses gouvernements de s'entendre sur des politiques précises et efficaces. Face à l'immigration, ils se battent en ordre dispersé et alternent des phases de commisération avec des durcissements. Ce problème, à lui seul, explique le désarroi des électeurs et leur volonté de mettre un terme, par des moyens autoritaires, à ce qu'ils perçoivent pratiquement comme un danger mortel.

L'Italie a accueilli les migrants clandestins avec autant d'humanité que possible, mais les Italiens ne veulent pas qu'ils s'incrustent sur leur territoire. Ils ne se sentent pas soutenus par le reste de l'Europe, ils déplorent les méthodes qui consistent à renvoyer en Italie ceux des migrants qui sont arrêtés dans les pays de l'Union. La victoire de toutes les formes de populisme aux élections du dimanche 4 mars traduit principalement l'aversion de l'électorat italien pour « l'invasion » de la péninsule par les immigrés clandestins.

Mais ils partagent cette intolérance avec pratiquement tous les peuples européens. Le Brexit n'est rien d'autre qu'un coup d'arrêt à l'immigration, au détriment de tout ce qui rattachait le Royaume-Uni à l'Union et contribuait à la prospérité des Britanniques. L'atmosphère est la même un peu partout sur notre continent, non seulement dans les pays d'Euope centrale, mais chez les six nations fondatrices de la CEE. L'idée largement partagée est que l'UE est une passoire et qu'elle reste les bras ballants face à un phénomène qui menace ses équilibres démographiques et sociaux. La bonne leçon à tirer de ce jugement est qu'il faut plus d'Europe plutôt que moins. Les peuples croient pourtant que la responsable de l'invasion, c'est l'Union elle-même.

Dénoncer le mensonge

Il faut, à ce mensonge, une riposte claire et ferme. Ce n'est pas toujours le cas. L'opposition travailliste n'a jamais vraiment pris le contrepied du Brexit, n'a jamais milité activement pour défendre la présence du royaume dans l'Union comme une avancée économique et morale, et a même accordé à ses électeurs traditionnels des déclarations eurosceptiques. En Italie, les convictions europhiles du Parti démocrate, au pouvoir jusqu'à dimanche dernier n'avaient pas besoin d'être prouvées, mais elles ont signé sa lourde défaite. En France, la gauche frondeuse a empoisonné le quinquennat de François Hollande sans défendre des positions pro-européennes très ardentes.

Aujourd'hui, le mouvement majoritaire qui soutient Emmanuel Macron se bat contre le populisme du Front national, contre l'euroscepticisme de la France insoumise et, déjà, contre les Républicains dirigés par Laurent Wauquiez. Une triple opposition à l'Europe avec cinquante nuances d'aversion pour l'Union. Il ne faut pas être dépressif pour constater que l'UE est menacée de l'intérieur, par des électeurs qui s'en moquent dans leur majeure partie, notamment parce qu'ils ignorent ce qu'elle leur a apporté sur les plans économique et commercial. Certes, la pédagogie n'est pas la qualité la plus grande de la Commission européenne, mais il faut une sacrée mauvaise foi pour faire de l'UE la cause de tous nos malheurs. L'immigration n'aurait pas été freinée par l'absence d'institutions européennes. En revanche, nous avons un exemple vivant, avec la Grande-Bretagne, des tourments terribles que le Brexit inflige aux Anglais et à leur gouvernement.

La vérité est que le seul moyen de contrôler les flux migratoires, c'est de mettre en place un programme commun et solidaire, avec les moyens de l'UE, pour freiner l'immigration en amont, dans les pays africains qui laissent partir leurs populations dans une indifférence absolue, et en aval par une méthodologie pertinente de traitement des réfugiés. Critiquer la politique d'immigration que le gouvernement veut mettre en place, soit parce que ce n'est pas assez soit parce que c'est trop, c'est, bien entendu, encourager l'intolérance des Français.

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9646