Face aux scènes de guerre

Une clinique déclinée au singulier

Publié le 14/12/2017
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C’est une réalité reléguée ces dernières années aux théâtres d’opérations extérieures de nos forces armées, qui est venue se rappeler brutalement au peuple français, en le frappant aveuglément sur son territoire national : des scènes de guerre, au sens du chaos et de la massivité du nombre des victimes (et impliqués au sens large), en engageant des visions d’horreur telles que de précédents conflits militaires ont pu auparavant produire, mais aussi des scènes de guerre à envisager au pied de la lettre.

La portée psychotraumatique des évènements impliquant une intentionnalité humaine est connue, à l’instar de l’attentat terroriste dont il faut préciser la finalité : celle recherchant moins directement des pertes humaines que des effets plus durables dans la population, en visant à une portée psychologique, celle littéralement de terroriser, en entretenant un climat général de peur et de menace.

L’interstice du soin

Mais le trauma ne va pas pour autant de soi, quel qu’ait été le niveau d’horreur intrinsèque à l’événement lui-même. Il ne s’agit pas pour le clinicien de céder à l’écueil d’une fascination sidérante, ni de souscrire à un automatisme, qui serait synonyme de négation du fait psychique, en validant l’apparente logique d’un lien causal entre un événement donné et le déclenchement d’une clinique spécifique. Car c’est justement dans cet interstice que se loge la possibilité d’un soin psychique : d’abord par la reconnaissance des effets éminemment singuliers de la confrontation à la mort, laquelle marque de son sceau la trajectoire du sujet au-delà des traits les plus saillants de la clinique traumatique ; ensuite en offrant un espace différencié, un lieu où le sujet sera assuré d’être entendu, en rétablissant la possibilité d’une parole sur l’expérience traversée.

La temporalité aiguë des situations de crise sanitaire gouverne les soins d’urgence selon un dimensionnement collectif, tel que l’autorise le déploiement rapide de cellules d’urgence médico-psychologique (lire ci-dessous) depuis leur création, il y a tout juste vingt ans, après les attentats de la station Saint-Michel à Paris. Cet impératif organisationnel du temps de l’urgence n’élude pas l’intérêt d’une attention particularisée pour chacun, en articulant, selon le principe d’une clinique déclinée au singulier, prise en charge immédiate et soins ultérieurs.

Centre hospitalier Sainte-Anne (Toulon)

Pr. Charles Gheorghiev

Source : Bilan Spécialiste