« Un phénomène fort étrange, rapporté par "La Revue Britannique” a vivement intrigué ceux qui ont été témoins : c’est celui de la phosphorescence des cadavres. Voici le fait.
Le 11 février 1838, le corps de William Lonkins, âgé de 88 ans, fut reçu à l’école d’anatomie de Webb Street. Le 5 mars, on y reçut aussi celui de Borcham, agé de 45 ans, qu’on avait ramassé dans la rue. Le premier était presque complètement disséqué lors de l’arrivée du second. Il n’en restait plus que l’extrémité inférieure gauche.
Le 6 mars, M. Appleton, gardien de l’établissement, en faisant sa ronde le soir, fut surpris de voir cette partie du cadavre devenue lumineuse, phénomène qu’il n’avait jamais aperçu quoiqu’il occupât cet emploi depuis 27 ans. Quelques jours après que le cadavre de Borcham eut été rapporté dans la même salle, il remarqua qu’il avait le même aspect lumineux. Il s’empressa de communiquer les faits à MM. Les professeurs qui les constatèrent avec un grand nombre d’élèves.
Un corps de plus en plus phosphorescent...
« On reconnut d’abord que la phosphorescence occupait sur le cadavre de Borcham l’extérieur et l’intérieur du thorax ; qu’elle s’étendait graduellement aux os, aux tendons, aux membranes et même aux muscles, mais à un moindre degré. La lumière de l’intérieur correspondait exactement à celle de l’extérieur, mais les viscères du thorax n’en présentaient aucune trace. Bientôt après ; la phosphorescence s’étendit des deux côtés et presque également aux régions lombaires , sacrée et iliaque, et descendit jusqu’à l’insertion du muscle tenseur de l’aponévrose crurale ; or la matière qui la produisait était en si grande quantité qu’on pouvait l’enlever avec les doigts qui, alors, devenaient aussi lumineux.
Le 12 mars, les mêmes recherches furent continuées. En entrant dans la salle, on crut que ce phénomène avait considérablement diminué ; mais après avoir soulevé le genou dont on avait disséqué la peau dans la journée, on remarqua qu’il était très lumineux. En grattant l’os avec le scalpel, la lumière ne diminuait pas, elle semblait avoir pénétré dans l’os même. Comme le cadavre de Borcham était devenu lumineux auprès de celui de Lonkins qui possédait déjà cette propriété, on crut qu’il y avait eu une espèce d’inoculation.
Pour s’en assurer, on plaça, sur un cadavre qui était dans la même salle, un fragment de matière lumineuse. Deux jours après, le tronc de ce nouveau sujet était lumineux dans une grande étendue et la lumière ne brillait que sur les points humides.
Des molécules 1 000 fois plus petites que les animalcules qui produisent la phosphorescence de la mer.
« À l’examen microscopique, il sembla tout d’abord qu’il existait un animal de très petite dimension ; mais de nouvelles observations faites avec un microscope plus puissant démontrèrent qu’il n’existait rien de semblable aux “monas” et autres infusoires. La force de la lentille dont on fit usage était de 900 et le volume des molécules lumineuses ne paraissait pas avoir plus de 3/1000e de millimètre de diamètre. Elles étaient si petites qu’il était impossible de les mesurer avec le meilleur micromètre qui ait été encore construit.
M. Bowerbandt estime que les molécules lumineuses sont au moins 1 000 fois plus petites que les animalcules qui produisent la phosphorescence de la mer.
La matière lumineuse placée sous le microscope suffisait pour en éclairer le foyer. Elle paraissait être de nature huileuse.
Expériences en tous genres
« On a répété sur cette matière lumineuse les expériences faites sur les animalcules qui produisent la phosphorescence de la mer et qui conservent une lumière égale dans tous les gaz. On mit dans des fioles séparées des lambeaux de membranes, de muscles et de tendons lumineux, puis on les remplit avec oxygène, azote, hydrogène, acide carbonique, oxyde de carbone et hydrogène sulfuré, et on les boucha hermétiquement. Après 40 minutes de séjour, les résultats ont été les suivants : l’oxygène, l’azote, l’hydrogène, l’oxyde de carbone et l’hydrogène phosphoré n’ont pas diminué de phosphorescence ; l’acide carbonique a produit un léger effet mais le chlore et l’hydrogène sulfuré ont déterminé la disparition du phénomène en moins de deux minutes.
Un morceau de chair très lumineux fut placé sous le récipient de la machine pneumatique. On fit le vide et, en moins de 15 minutes, la phosphorescence disparut. Elle reparut dès qu’on eut laissé pénétrer l’air sous le récipient. Il en fut de même en y introduisant l’oxygène : la condensation de l’air augmenta l’intensité de la lumière.
Un lambeau de chair mis dans un verre plein d’eau distillée a gardé sa phosphorescence pendant 10 à 15 minutes. Ayant enlevé avec la lame d’un couteau la matière lumineuse d’un autre lambeau et ayant gité l’eau avec l’instrument, on vit de petits globules lumineux dispersés dans ce fluide qui disparurent au bout d’une minute et demie. Il en fut de même avec le lait et l’huile, avec cette différence cependant que l’apparence lumineuse du lait persista pendant 15 à 20 minutes et celle de l’huile trois à quatre jours. Dans l’alcool, l’eau bouillante et l’air échauffé, la lumière disparut en deux minutes. Il en est de même des acides et des alcalis qui éteignent la lumière presque instantanément.
On voit que ce phénomène a vivement intrigué ceux qui en ont été témoins et qu’il a été étudié sans que l’on ait pu trouver la cause de la luminosité de ces débris anatomiques.
La matière éclairante, examinée avec un très fort grossissement, ne décela pas l’existence d’une substance vivante, comme les infusoires qui produisent la phosphorescence de la mer.
Réalité ou mystification ?
« Il ne semble pas qu’il soit venu à l’esprit des expérimentateurs que ce phénomène si étrange pût être le résultat d’une mystification de la part de quelque étudiant facétieux. Un badigeonnage des pièces anatomiques avec de l’huile phosphorée pouvait donner lieu à tous les phénomènes observés. Cette supposition est corroborée par le fait que, sous le microscope, la matière éclairante semblait de nature huileuse.
En dehors du phosphore ordinaire, il existait plusieurs produits chimiques appelés phosphore de Bologne, de Hambourg, de Canton, de Beaudoin, qui ne sont autres que du sulfure de baryum, du chlorure de calcium, etc., tous corps qui jouissent de la propriété de dégager de la lumière la nuit quand ils ont été exposés au soleil.
Comme la matière était assez abondante pour pouvoir être enlevée avec le doigt, peut-être s’agissait-il d’un de ces produits chimiques mélangé à de l’huile ou dissous dans cet excipient.
On raconte bien que les restes d’un agneau, mangé par trois habitants de Padoue en 1492, devinrent lumineux, et qu’en 1641 une vieille femme acheta au marché de Montpellier un morceau de viande qui devint lumineux la nuit suivante. Ces faits ne sont pas suffisamment explicites pour pouvoir être accueillis sans scepticisme et confirmer l’existence de la phosphorescence spontanée de la chair. Si ce dernier fait est exact, il doit y avoir des exemples récents du phénomène et une démonstration scientifique de sa réalité. Donc, jusqu’à preuve du contraire, nous regarderons la phosphorescence, mentionnée dans l’observation que nous avons rapporté, comme l’œuvre d’un mystificateur. »
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