Rémission des rhumatismes inflammatoires

Une décroissance progressive du traitement

Publié le 07/04/2015
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La multiplicatin des options thérapeutiques  et des stratégies plus agressives ont permis de...

La multiplicatin des options thérapeutiques et des stratégies plus agressives ont permis de...
Crédit photo : PHANIE

Le pronostic de la polyarthrite rhumatoïde a été complètement transformé au cours des 15 dernières années grâce à un changement de paradigme dans la prise en charge des patients : le diagnostic est fait de façon très précoce, les traitements sont initiés dès le diagnostic et les stratégies thérapeutiques sont devenues plus dynamiques avec la notion « Treat to Target », ciblant un objectif de rémission. Ces stratégies plus agressives et la multiplication des options thérapeutiques ont permis de limiter les conséquences de la maladie, tant fonctionnelles (moins de handicap) que vitales, avec une réduction de la surmortalité cardiovasculaire

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Rémission ou rémissions

La rémission est donc un objectif thérapeutique atteignable dans la prise en charge des patients souffrant de polyarthrite rhumatoïde. Cependant, il y a rémission et rémission. Au quotidien, on utilise une définition pragmatique reposant sur l’indice compôsite le plus utilisé, le DAS 28. Il qui permet d’identifier des patients dont la maladie est bien contrôlée avec une probabilité de progression faible.

D’autres définitions plus exigeantes ont été proposées notamment une définition stricte dans laquelle on note au maximum une articulation gonflée, une articulation douloureuse, une CRP à 10 mg/L et une évaluation globale de la maladie par le patient à 10/100 sur une échelle visuelle analogique. Avec une telle définition, la proportion de patients en rémission chute et l’objectif ne devient atteignable que dans une minorité de cas.

Au-delà des débats d’outils ou de définition, il apparaît clairement que des patients en rémission clinique et biologique peuvent garder une activité résiduelle infraclinique, lorsqu’on utilise des moyens d’imageries modernes tels que l’échographie. Cela se traduit par une hypervascularisation visible en étude doppler ; cette positivité du doppler a été associée avec un risque de majoration des dégâts articulaires sur les radiographies.

Avec tous ces éléments, la rémission reste l’objectif thérapeutique de choix et les règles suivantes peuvent être suivies :

1 – Cibler la rémission telle que définie sur les outils utilisés en pratique (DAS28, par exemple).

2 – Vérifier l’absence de synovite doppler positif en échographie chez ces patients cliniquement bien contrôlés. En cas de synovite résiduelle, une adaptation du traitement sera nécessaire, à commencer par des gestes locaux.

3 – Chez certains patients, la rémission selon DAS 28 n’est pas atteignable, notamment en raison d’une évaluation globale de l’activité de la maladie par le patient élevée. Un objectif moins ambitieux de « faible activité » pourra alors être employé, sous couvert de l’absence de synovite doppler positif en échographie.

Un allégement thérapeutique

De plus en plus de publications évoquent la possibilité de réduire les traitements pour éviter ce qui apparaît aux yeux de beaucoup comme un surtraitement des patients. Les récentes recommandations de l’EULAR et de la SFR permettent d’envisager le schéma de décroissance thérapeutique.

Le premier élément incontournable est de réduire et d’arrêter la corticothérapie qui a une toxicité cumulée. Ensuite, une fois la corticothérapie arrêtée, il apparaît logique de diminuer les traitements les plus « à risques » sur le plan infectieux, à savoir les biothérapies. Les premières expériences publiées concernaient des tentatives d’arrêts des traitements biologiques, tout d’abord les anti-TNF du fait de leur antériorité mais également de façon plus récente, le tocilizumab.

Dans la grande majorité de ces études, l’interruption des traitements biologiques aboutit à une rechute rapide chez plus de la moitié des patients, rechute pour laquelle on ne dispose pas de facteur prédictif. Il existe donc un consensus pour éviter ces interruptions brutales au profit d’une décroissance progressive, par une diminution soit des doses, soit de la fréquence des injections.

Les études de décroissance ont principalement été conduites avec les anti-TNF et nous disposons désormais des résultats de 4 essais randomisés.

Deux ont été réalisés chez des patients en faible activité de la maladie depuis plus de 6 mois grâce à un traitement par etanercept. Il s’agissait soit de maintenir le traitement à dose pleine, soit de diviser la dose par 2, soit d’interrompre ce traitement. Comme attendu, au cours de l’année de suivi, plus de 50 % des patients chez qui l’etanercept a été arrêté rechutaient. En revanche, il n’existait pas de différence entre la pleine dose et la demi-dose, avec seulement 20 % de reprise évolutive. Cette étude a été confirmée par une autre montrant qu’en cas de reprise évolutive de la maladie, la reprise du traitement à pleine dose permettait dans la quasi-totalité des cas de contrôler à nouveau la maladie.

Deux autres essais ont montré la faisabilité d’un espacement progressif des injections d’etanercept et d’adalimumab. Le risque de rechute était supérieur dans le bras espacement par rapport au bras maintien ; cependant, le retour à un schéma d’administration plus rapproché en cas de rechute permettait de contrôler à nouveau la maladie. Actuellement, ces stratégies de décroissance progressive, qu’elles qu’en soient les modalités,deviennent l’option privilégiée chez les patients en rémission prolongées sous anti-TNF. On manque encore de données sur les autres biothérapies.

En conclusion, la rémission clinique et biologique est un objectif atteignable pour une grande majorité de patients suivis pour polyarthrite rhumatoïde. Cet objectif thérapeutique ouvre la possibilité d’une réduction des traitements notamment lorsqu’il n’existe plus d’activité inflammatoire résiduelle, pour la plus grande satisfaction des patients et de l’assurance-maladie.

UPMC, GRC 08, Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et Santé Publique,

Service de Rhumatologie, groupe hospitalier Pitié Salpêtrière, Paris

Pr Bruno Fautrel

Source : Bilan spécialiste