Aumôniers d’hôpitaux

Une formation médicale pour les rabbins

Publié le 23/11/2010
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Une centaine de rabbins ont participé au premier séminaire de formation de l’aumônerie israélite des hôpitaux de France, autour d’un programme résolument médical, élaboré avec des médecins et des éthiciens. Pour le nouvel aumônier général israélite des hôpitaux, Mickaël Journo, des rabbins devraient être rejoints par des bénévoles et « collaborer dans un esprit fraternel avec les représentants des autres religions à l’intérieur de l’hôpital ».

À PEINE NOMMÉ par le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, et le président des Consistoires, Joël Mergui, le nouvel aumônier général israélite des hôpitaux, Mickaël Journo, a fait passer auprès de ses pairs sa priorité : « En finir avec le bricolage, cesser d’envoyer sur le terrain des rabbins insuffisamment préparés et professionnaliser la présence rabbinique à l’hôpital. » D’où l’initiative qu’il a lancée, conjointement avec le département de recherche en éthique de la faculté de médecine de Paris-Sud-11 : le premier séminaire de formation, qui s’est tenu le mois dernier à Paris.

Pendant trois jours, un programme à tonalité résolument médicale a été proposé à la centaine de rabbins et grands rabbins venus de toutes les régions de France. Sept PU-PH leur ont adressé la bonne parole, chacun dans leur spécialité : le Pr Vincent Meininger, neurologue du groupe Pitié-Salpétrière, le Pr Gérard Réach, endocrinologue d’Avicenne, le Pr Élie Azoulays, réanimateur du CHU Saint-Louis, ou le Pr Michèle Hélène Salamagne, de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital Paul Brousse. Également à la tribune, des juristes, Benjamin Pitcho (Université de Paris 8), et le numéro 2 de l’AP-HP, Marc Dupont, adjoint chargé des affaires juridiques et des droits des patients.

Comme le souligne Mickaël Journo, les intervenants se sont abstenus de tenir de beaux discours théoriques, pour évoquer le concret de leurs pratiques et des réalités de la vie quotidienne à l’intérieur de leurs services. « C’était précisément l’urgence et l’intérêt de ce séminaire, analyse Emmanuel Hirsch, le directeur du département de recherche en éthique de Paris-11, de doter les aumôniers d’un niveau de compétence face à des problématiques de prise en charge spécifique, comme la maladie d’Alzheimer, ou la réanimation. Le cadre hospitalier n’est pas neutre et il nécessite d’être bien compris par chaque intervenant, de manière à ce qu’il reste à sa place spécifique, s’abstenant d’empiéter sur la responsabilité médicale, ou d’interférer avec le travail des soignants. Il s’agit donc de permettre aux aumôniers de maîtriser des données médicales, juridiques et réglementaires (lois sur les droits de malades, sur la fin de vie, loi HSPT, etc.), pour intervenir avec finesse auprès du patient, en se gardant de toute démarche ambivalente et en veillant aux risques des dérives sectaires et aux dangers d’une attitude mystique. »

Une première en France

Cette collaboration entre une université et une religion qui envoie des aumôniers à l’hôpital constitue une première en France. « elle est facilitée, note encore E. Hirsch par l’abstention traditionnelle des rabbins sur les questions de responsabilité en général, leur positionnement éthique se justifiant au cas par cas. Il convient donc d’examiner les réalités de terrain, plutôt que de débattre en théorie. »

L’une des trois journées du séminaire a certes évoqué, avec les autorités religieuses invitées, le rôle traditionnel de l’aumônier israélite – visite aux malades, offices, distributions de repas casher, autant de fonctions qui s’inscrivent dans un contexte rituel, mais, souligne le rabbin Journo, « qui privilégient le sens de l’humain. L’aumônier, dans son travail quotidien, se consacre plus à l’écoute et à la fonction sociale et d’accompagnement qu’il ne dispense un enseignement sur Dieu et la religion. »

Dans cet esprit, les aumôniers israélites rejoignent leurs confrères chrétiens et musulmans. « Aucun esprit de compétition ne nous sépare les uns des autres, au contraire, poursuit le rabbin Journo. J’envisage d’ailleurs d’inviter des aumôniers catholiques, protestants et musulmans à l’occasion de notre deuxième séminaire, pour des échanges et confrontations d’expériences communes : tenir la main en silence la main d’un mourant ne fait pas acception de confession. »

Ce séminaire pourrait se tenir en octobre 2011, dans la dynamique du premier, qui a dépassé les espérances de ses organiseurs. Dans la foulée, le directeur du département de recherche de Paris-11 réfléchit à un enseignement académique qui, à l’avenir, pourrait être dispensé systématiquement à tous les aumôniers d’hôpitaux, pour leur fournir les indispensables bases médicales et réglementaires, sur le modèle des formations obligatoires dispensées par les associations de bénévoles.

CHRISTIAN DELAHAYE
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8861