Tumeurs cérébrales de l’enfant

Une immunothérapie anti-CD47 efficace et sure en préclinique

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Publié le 16/03/2017
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CANCER ENFANT

CANCER ENFANT
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« L’aspect le plus excitant de nos résultats est que ce traitement se montre actif quel que soit le type de tumeur cérébrale évalué dans les modèles animaux », souligne le Pr Samuel Cheshier de l’Université de Stanford (Californie).

Chez les souris greffées à la fois avec des neurones humains normaux et des cellules de tumeurs cérébrales de patients, « on constate une destruction tumorale importante in vivo sans aucune toxicité vis-à-vis des cellules humaines saines », ajoute ce neurochirurgien qui a codirigé avec le Dr Irving Weissman l’étude publiée dans la revue « Science Translational Medicine ». Étant donné ces résultats encourageants et l’étude des anticorps anti-CD47 chez l’adulte, un essai clinique de ces anticorps chez les enfants atteints de tumeurs cérébrales pourrait débuter d’ici un à deux ans.

Des cancers agressifs

Les tumeurs cérébrales sont la première cause de mortalité par cancer chez l’enfant. Elles sont souvent inopérables, certaines sont réfractaires aux chimiothérapies, et la toxicité de la radiothérapie ou chimiothérapie sur le jeune cerveau en développement peut laisser de graves séquelles. Contre ces cancers agressifs de l’enfant, les anticorps anti-CD47, développés à l’université médicale de Stanford (Californie), pourraient offrir une immunothérapie adjuvante bénéfique.

Ces anticorps anti-CD47 sont administrés afin d’aider l’immunité innée à détecter une différence importante entre les cellules cancéreuses et les cellules saines : les cellules cancéreuses présentent à leur surface des signaux pro-phagocytaires (CRT), signalant aux macrophages de les phagocyter (« mangez-moi »), tandis que les cellules saines en sont dépourvues. Toutefois de nombreux cancers (hématologiques et solides) échappent à cette surveillance immunitaire en surexprimant la protéine CD47, un signal anti-phagocytaire qui est exprimé sur les cellules saines et sur les cellules cancéreuses. Le traitement par anticorps contre la protéine CD47, en bloquant son signal anti-phagocytaire, permet aux macrophages de détruire les cellules cancéreuses tout en épargnant les cellules saines dépourvues des signaux pro-phagocytaires (« mangez-moi »).

Pro- et anti-phagocytaires

Gholamin et coll. ont évalué un anticorps anti-CD47 humanisé (Hu5F9-G4) contre 5 types de tumeurs cérébrales agressives de l’enfant (glioblastome, gliome infiltrant du tronc cérébral, médulloblastome primitif et métastasé, tumeur tératoïde rhabdoïde atypique, et tumeur neuroectodermique primitive) dans une étude in vitro et chez la souris greffée avec des cellules de tumeurs cérébrales de patients. Ils ont confirmé que tous ces cancers expriment les 2 signaux pro- et anti-phagocytaires et montrent l’efficacité thérapeutique des anticorps anti-CD47, et leur activité minimale sur les cellules saines, tant in vitro que dans les modèles murins. Chez la souris, l’anticorps injecté par voie intrapéritonéale est capable de traverser la barrière hémato-méningée. L’administration intraventriculaire (dans le LCR) majore l’efficacité de l’immunothérapie contre le médulloblastome métastasé. Enfin, chez la souris greffée avec des cellules de gliome agressif, l’immunothérapie prolonge significativement la survie.
Puisque les anticorps anti-CD47 n’éliminent pas complètement les tumeurs, les chercheurs estiment qu’il faudra combiner cette immunothérapie à d’autres approches thérapeutiques, majorant ainsi l’efficacité tout en réduisant la toxicité.

« Notre prochain objectif préclinique sera d’élargir l’étude à toutes les tumeurs cérébrales de l’enfant comme l’épendymome et l’oligodendrogliome, confie au « Quotidien » le Dr Mitra Siddharta. De plus, nous chercherons à mieux comprendre et à majorer l’activité de l’immunothérapie anti-CD47. »

Science Translational Medicine, 15 mars 2017, Gholamin et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : Le Quotidien du médecin: 9564