Insuffisance rénale chronique

Une nouvelle place à préciser pour les hypocholestérolémiants

Publié le 27/06/2011
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Crédit photo : S Toubon

LES POSITIONS tendent à s’inverser quant à la place à accorder aux statines chez les insuffisants rénaux chroniques (IRC). Alors que trois essais précédents, deux chez des hémodialysés (AURORE et 4D) et le troisième chez des greffés (ALERT), n’avaient pas mis en évidence de bénéfice cardio-vasculaire chez les IRC, l’étude randomisée Sharp vient de montrer que l’association simvastatine 20 mg plus ézétimibe 10 mg entraîne une réduction de 17 % des événements athéroscléreux au cours de 5 ans de traitement. Autrement dit, le risque diminuerait d’un cinquième pour chaque réduction d’1 mmol/l de cholestérol LDL, celui-ci ayant baissé en moyenne de 0,85 mmol/l au cours du suivi. Près de 30 à 40 accidents thrombotiques pourraient être ainsi évités à 5 ans pour 1 000 patients traités.

Ont été inclus dans l’étude 9 270 sujets insuffisants rénaux, dont environ un tiers (3 023) étaient en dialyse, sans antécédent d’infarctus myocardique, ni de revascularisation coronarienne. Étaient éligibles les sujets âgés ≥ 40 ans dont le taux de créatinine était >150 micromol/l pour les hommes et >130 micromol/l chez les femmes. Après randomisation, 4 650 étaient répartis dans le groupe simvastatine+ézétimibe, 4 620 dans le groupe témoin. Le critère principal de jugement était la survenue d’événements athérosclérotiques (infarctus du myocarde non mortels, décès de cause coronarienne, accident vasculaire cérébral ischémique ou toute intervention de revascularisation artérielle).

Risque faible de myopathie

L’association d’ézétimibe et de simvastatine avait pour objectif d’optimiser l’effet antilipémiant et de minimiser les effets secondaires. L’ajout d’un inhibiteur de l’absorption du cholestérol a en effet permis d’obtenir une efficacité suffisante, tout en n’utilisant qu’une faible dose de statine. Les réserves quant à leur tolérance en cas d’insuffisance rénale, en particulier ce qui concerne le risque de myopathie, avaient d’ailleurs contribué à freiner leur utilisation dans une population pourtant à haut risque cardio-vasculaire. Dans l’étude, l’excès de risque de myopathie s’est révélé très faible, de 2 pour 10000 patients par année de traitement avec l’association antilipémiante. Aucun signal n’est apparu pour les risques d’hépatites, de lithiases biliaires ou de cancer.

Un bémol néanmoins à cette démonstration d’efficacité. Dans un éditorial publié dans le même numéro du «Lancet», l’équipe du Pr Alan Jardine à Glasgow s’interroge sur la pertinence des résultats en regard de la physiopathologie. « Si les troubles cardio-vasculaires sont cholestérol-dépendants à un stade précoce de l’IRC, il s’avère qu’à un stade plus avancé, on constate une forte disproportion de décès cardiaques par rapport à la maladie coronarienne ». D’ailleurs, ces faits sont confirmés dans l’étude Sharp, où les décès de cause coronarienne représentent moins d’un quart de la totalité des décès cardio-vasculaires et moins de 8 % de la mortalité toutes causes confondues. Les éditorialistes concluent ainsi que « les coronaropathies athéromateuses n’étant responsables qu’en faible partie (…), des essais supplémentaires sont nécessaires pour définir la prévention des accidents cardio-vasculaires au sein de cette population ».

Lancet 2011; 377:2181-92

> Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8990