LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN - Quels types de malades et maladies psychiatriques cette unité va-t-elle accueillir ?
PIERRE LAMOTHE - C’est important de le préciser, du fait d’un contresens initié en grande partie par le président de la République, qui avait laissé entendre qu’il s’agirait d’une unité fermée pour délinquants sexuels. Or, cette unité a toujours été voulue comme un élément supplémentaire du plateau technique psychiatrique offert dans le cadre de la loi de 1994, afin de mettre en symétrie l’offre de soins entre le civil et le pénitentiaire. En outre, le but n’est pas d’éradiquer la maladie mentale : on peut tout à fait être psychotique en prison, comme on est psychotique dehors !
Vous n’accueillerez donc pas particulièrement de malades dits dangereux ?
L’USHA peut prendre en charge des gens en souffrance sans critères de dangerosité ; ils peuvent même être volontaire pour ces soins. Cependant, le pénitentiaire voudrait aussi que nous soyons les seuls interlocuteurs en matière de psychiatrie des détenus et voudrait nous imposer de les prendre en urgence 24 heures sur 24. Or, évidemment, si on fait des « lits porte », on va récupérer tous les enquiquineurs qui seront dans les hôpitaux en urgence et nous n’aurons pas la possibilité de faire notre programme de soin, concerté, pour des gens qui viennent passer un séjour à l’Unité et qui repartent en établissement.
LE PROJET THÉRAPEUTIQUE PRIME SUR TOUT LE RESTE
Pour le moment, l’hospitalisation d’office (HO) de proximité restera possible, mais le programme de l’USHA n’est pas encore terminé et il a le temps de changer. Bien sûr, nous accueillerons aussi des HO, mais nous ne sommes pas condamnés à ne faire que cela. Ce que nous voulons ce sont des hospitalisations programmées sur projet thérapeutique.
La création de cette USHA pourrait-elle participer à la diminution du nombre de suicides en prison ?
Il est raisonnable de l’espérer, mais le taux de suicide n’est absolument pas lié aux maladies mentales graves. Il intervient dans des situations conflictuelles, sadomasochiques ou autres ; ce n’est pas un problème médical, mais qui relève de la manière dont on gère la prison. La prison est raide et tout est fait pour que les détenus soient infantilisés, n’aient pas d’autonomie sur eux-mêmes. C’est beaucoup plus là-dessus qu’il faut travailler pour réduire le taux de suicide : la circulation des informations avec l’administration, avec les surveillants, et tout ce qui est de l’ordre de l’écoute humaine est bon de ce point de vue. Mais attention, éradiquer le suicide des prisons est un mythe qui va de pair avec la culture du résultat, la tolérance zéro, le principe de précaution, dont on souffre tant en ce moment.
Il semblerait que l’USHA soit déjà en proie à une réduction d’effectif, avant même son ouverture ?
Oui. Nous sommes actuellement dans une négociation d’urgence avec la direction des hôpitaux qui, soudain affolée par les coûts, nous a retiré la moitié des infirmiers. Ce à quoi nous avons dit non. Nous souhaitons revenir à notre effectif initial.
Symboliquement que signifie de soigner et punir au même endroit ?
Excusez-moi, mais c’est une ânerie de dire cela ! Le problème est qu’il ne faut pas considérer la case prison comme subir une punition. La peine n’est pas conçue pour que les détenus en bavent ! Un de vos confrères a publié un article titré « Premier hôpital-prison à Lyon », alors que j’avais passé un long moment à expliquer qu’il s’agissait d’un hôpital. Les personnes à l’intérieur sont des détenus, mais les surveillants ne sont pas au contact de ces détenus, et les portes des chambres qui ne sont pas des cellules sont ouvertes par des infirmiers. Les projets thérapeutiques priment sur tout le reste. Donc, il ne faut surtout pas accréditer l’idée que c’est un hôpital psychiatrique judiciaire de type italien ou écossais. C’est d’abord une unité hospitalière.
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