Bien que les dernières données épidémiologiques tendent à montrer que l’épidémie de grippe saisonnière a été moins létale que l’année dernière, le système de santé français semble toujours éprouver de grandes difficultés à mettre en place une prise en charge efficace des populations les plus fragiles.
Âgée de 42 ans, le docteur Karen Socquet-Meilleret qui est installée depuis 10 ans à Echirolles (Isère) reconnaît ainsi bien volontiers que « la prise en charge de la grippe en ambulatoire chez les personnes âgées a évolué, mais pas forcément en bien ». Dans les faits, la jeune généraliste déplore qu’il devienne désormais « de plus en plus difficile de recevoir cette population au cabinet dès lors qu’elle présente une pathologie grippale ». Les raisons avancées par cette praticienne pour expliquer un phénomène qui « devient de plus en plus compliquer à gérer depuis 3 à 4 ans » sont multiples.
« L’un des problèmes principaux auxquels sont confrontés les généralistes réside dans le fait que les personnes âgées qui sont touchées par la grippe consultent souvent trop tardivement faute de rendez-vous rapides disponibles dans nos cabinets ou de possibilités de se déplacer jusqu’à nous », explique le Dr Socquet-Meilleret. « On se retrouve alors face à des personnes qui ont souvent décompensé leurs pathologies chroniques sous-jacentes, souvent cardiaques, et qui sont dans la plupart des cas déshydratées », alerte le généraliste qui pointe également le double problème démographique qui ne laisse en rien augurer d’une amélioration de cette situation dans les années à venir : « Les personnes âgées sont de plus en plus en plus nombreuses, contrairement aux médecins généralistes » qui n’arrivent plus à prendre en charge dans de bonnes conditions toutes ces personnes au moment du pic épidémique. « On a de plus en plus de difficultés à effectuer des visites à domicile qui prennent beaucoup de temps et les patients se retrouvent dans l’obligation de trouver un médecin d’urgence ou d’appeler le 15 », résume ainsi le Dr Socquet-Meilleret. Une couverture vaccinale insuffisante et des comportements inadaptés L’autre écueil auquel se heurtent les généralistes est étroitement lié à la problématique même de la vaccination en France. « Encore trop peu de personnes sont vaccinées au sein de cette population des personnes âgées », déplore le Dr Socquet-Meilleret. Si le nombre total de personnes vaccinées continue de progresser (+ 96 000 entre 2015 et 2016), il reste néanmoins nettement insuffisant pour atteindre une bonne couverture vaccinale : seules 47,4 % de celles pour qui la grippe représente un risque s’étaient fait vacciner l’hiver dernier, bien en deçà des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 75 %. Dans ce contexte, le Dr Socquet-Meilleret estime que c’est également aux généralistes « de faire de la pédagogie » en expliquant que « le vaccin ne donne pas la grippe ! » et qu’il permet « d’éviter les complications, les hospitalisations voire un décès ». « Dès la première consultation, il faut faire de l’éducation », prévient le Dr Socquet-Meilleret : « Leur faire accepter la vaccination, les prévenir que ce n’est pas forcément une bonne idée d’aller faire les courses au supermarché en pleine période épidémique ou encore qu’il est préférable de ne pas laisser entrer chez soi une personne que l’on sait malade. La prévention représente 80 % du travail. Moi je leur dis que je me fais vacciner tous les ans depuis l’époque de mes études et que je n’ai jamais attrapé la grippe. Au final, c’est un discours qui fonctionne plutôt bien ».
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