Tensions extrêmes entre Palestiniens et Israéliens

Une troisième intifada ?

Publié le 08/10/2015
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Scènes de violence à Jérusalem

Scènes de violence à Jérusalem
Crédit photo : AFP

Il existe une raison générale, certaine, indiscutable de cette reprise d’un conflit qui dure depuis 1948 : l’absence totale de perspectives politiques pour les Palestiniens. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, pouvait justifier sa politique par le calme apparent qui règnait depuis la guerre de Gaza de 2014. Il a repoussé tous les avertissements qui venaient d’une partie de la presse israélienne, d’une partie de ses généraux et des services de renseignements et l’informaient de l’impossibilité de maintenir le statu quo, surtout en poursuivant la colonisation des territoires. Il pensait bénéficier lui aussi d’un « alignement des planètes » : le Hamas est isolé, tenu à l’écart par le gouvernement égyptien qui combat les Frères musulmans, dont le mouvement palestinien est l’émanation ; le Hezbollah, ennemi fanatique installé au Liban, est occupé à combattre Daech en Syrie ; les grandes puissances, Amérique, Europe, Russie et même l’Iran sont engagées militairement en Irak et en Syrie ; écœuré par le comportement de M. Netanyahou, Barack Obama a renoncé à rechercher un accord de paix. Mais aujourd’hui, le Premier ministre israélien se retrouve face aux conséquences de son immobilisme politique.

Cependant, il n’est pas le seul responsable de cette nouvelle crise. Le Hamas s’est toujours opposé à la recherche d’un accord, souvent en déclenchant des attentats qui ont suffi à étouffer de fragiles espoirs. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, est largement discrédité par la surenchère du Hamas et par son incapacité à peser sur le gouvernement israélien. Il est contraint à la fois de dénoncer la violence inspirée par le Hamas ou par d’autres mouvements palestiniens tout aussi violents et de fustiger la répression israélienne, ce qui ne fait pas un programme et s’appelle compter les coups. Enfin, la guerre civile en Syrie et en Irak, la violence sans précédent de l’État islamique, le conflit entre sunnites et chiites qui risque de durer des décennies empêchent les États du Golfe de jouer un rôle diplomatique utile.

D’Oslo à aujourd’hui.

Les Palestiniens, notamment à l’époque de Yasser Arafat, n’ont pas su saisir les occasions offertes par l’histoire. Ils ont laissé mourir les accords d’Oslo de 1993, ils ont refusé les propositions d’Ehud Barak en 2000, puis celles d’Ehud Olmert. Ils ont favorisé le retour de M. Netanyahou au pouvoir. Ils se sont aperçus alors qu’ils n’avaient pas le monopole de l’irrédentisme et du fanatisme, que le gouvernement israélien ne pouvait tenir qu’avec le soutien des partis religieux ou d’extrême droite qui n’ont cessé de réclamer plus de colonisation. Aujourd’hui encore, loin de tenter d’apaiser la crise qui monte, le chef du gouvernement israélien donne carte blanche à l’armée pour sévir. Vieille rengaine que nous entendons depuis quinze ans : il n’y a pas de solution militaire, la répression entraîne forcément des abus et abîme l’image d’Israël, et la voix de la minorité israélienne favorable à la paix est étouffée.

Désespérés, un certain nombre de Palestiniens commencent à renoncer à la solution de deux États vivant côte à côte et se demandent si l’annexion de la rive occidentale du Jourdain par Israël ne leur donnerait pas une meilleure chance de faire valoir leurs droits. Ce serait, à coup sûr, créer au sein de l’État juif une majorité arabe, laquelle, par le simple jeu de la démocratie parlementaire, dicterait ses décisions à une minorité juive. Bien entendu, les Israéliens ne veulent pas entendre parler d’une telle évolution et feront tout ce qu’il faut pour l’arrêter. Mais ils ne semblent pas se rendre compte que la colonisation finira par s’étendre jusqu’aux frontières de la Jordanie et que, s’ils n’accordent pas les mêmes droits aux Palestiniens, ils créeront une nouvelle Afrique du Sud. Un tel anachronisme est à la fois inimaginable et insupportable pour les juifs et pour les musulmans.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9439