Infections sexuellement transmissibles (IST) en hausse

(Usage du) préservatif en berne

Publié le 15/10/2015
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Le désamour pour les comportements de prévention s'accentue

Le désamour pour les comportements de prévention s'accentue
Crédit photo : PHANIE

Depuis plusieurs années, et particulièrement en France, le « désamour » à l’égard des comportements de prévention, facilité par des discours exagérément optimistes (sur les futures générations sans sida par exemple), s’est traduit par une augmentation de l’incidence des infections sexuellement transmissibles (IST) et même une explosion des cas pour la gonococcie.

Son incidence, selon les derniers chiffres de L’InVS, a cru de 62 % en deux ans.

« Le préservatif protège, précise le Dr Jean-Marc Bohbot, y compris contre infections virales et reste le moyen de prévention universel des IST.» Et d’insister : « Le principal facteur de risque de transmission est l’ignorance ». Le risque de contamination par un virus ou une bactérie sexuellement transmissible lors d’une fellation est le même que pour un rapport génital, sauf pour le VIH ; à l’inverse, le risque avec un cunnilingus de contracter une IST, excepté un herpès, est faible.

Un dépistage complet des IST, une à deux fois par an en cas de partenaires multiples, comprend un jet d’urines, un prélèvement anal et de gorge, une prise de sang (pour une sérologie VIH, VHC, VHB et syphilis), des analyses demandées en respectant les délais de séroconversion (6 semaines pour le VIH, 3 à 4 semaines pour les hépatites et la syphilis). Le spécialiste met en garde contre les tests rapides mal utilisés qui rassurent à tort.

Chlamydiae, discrète

Si les infections à chlamydiae sont à l’origine de stérilité chez la femme, leurs conséquences sont moins dramatiques chez l’homme. La paucisymptomatologie et le défaut de dépistage systématique font que les hommes restent porteurs de la bactérie plusieurs mois avant qu’ils ne soient « reconnus », ce qui facilite les contaminations ou recontaminations de la partenaire traitée une première fois.

L’infection est relativement contagieuse et la transmission par conséquent aléatoire. Le traitement d’une chlamydiose non compliquée consiste en une prise unique de 4 comprimés d’azithromycine. Un traitement « épidémiologique » des partenaires doit être systématiquement prescrit.

Les virus de l’herpès, quiescents

Près de 17 % de la population est effectivement porteuse d’un herpès génital. L’axe de transmission homme-femme est plus fréquent que l’axe femme-homme, en raison de la vulnérabilité des muqueuses féminines. Les hommes sont ainsi moins touchés par ce virus, HSV 1 ou 2 (la frontière est devenue floue entre les deux territoires historiques d’élection de ces virus). Le diagnostic est clinique, confirmé par la mise en évidence du virus sur une lésion fraîche. La maladie est sans gravité, mais gênante. Un gel (Clareva) atténue les sensations douloureuses, et, au-delà de 6 poussées par an, un traitement suppressif peut être proposé (« un comprimé de valaciclovir par jour sur 6 mois », suggère le Dr Bohbot).

Les papillomavirus, à verrues

Les sérotypes viraux de HPV spécifiquement masculins sont à l’origine de lésions cutanées, les condylomes ou verrues anogénitales, extrêmement contagieux chez l’homme comme chez la femme. Ils laissent des traces psychologiques : survenant plus volontiers chez des hommes jeunes, leur destruction par imiquimod, cryothérapie ou laser est au minimum désagréable, voire douloureuse… avec un risque de récidive dans les semaines ou les mois qui viennent non négligeable. « Il n’existe pas de test pour savoir si le virus a disparu ou non une fois les condylomes traités », prévient le Dr Bohot. L’homme est contagieux si les lésions sont visibles.

Le tréponème, vaillant

Ancienne, mais toujours d’actualité - et plus que jamais dans tous les pays développés où la syphilis est en recrudescence. Les tableaux cliniques sont atypiques, chancre bien sûr, mais celui-ci peut être localisé dans la gorge, sur la marge anale, etc. La maladie peut passer inaperçue et la découverte n’être que sérologique.

« Le traitement, une injection de pénicilline, qui fonctionnait très bien, ne peut être aujourd’hui délivré que dans les pharmacies centrales des hôpitaux, un obstacle de taille », regrette-t-il. Indispensable, le dépistage des sujets contacts, sur la prise de sang.

Le gonocoque, bruyant

Écoulements purulents abondants, douleurs à l’émission d’urines, une chaude-pisse se manifeste toujours « violemment » et rapidement après le contact contaminant. Le prélèvement urétral est dépassé et le diagnostic porté sur l’analyse du premier jet d’urines tout simplement. « Aucune excuse donc pour ne pas s’y soumettre », observe-t-il. Cela dit, les localisations gonococciques ne sont pas exclusivement urétrales, elles peuvent être anorectales (se signalant par des démangeaisons et/ou des brûlures) ou pharyngées.

La difficulté est celle de la résistance croissante de la bactérie aux antibiotiques… Seules les molécules injectables type ceftriaxone (en une injection) sont efficaces aujourd’hui et, en cas d’allergie au médicament, la spectinomycine, voire la gentamycine à doses élevées. Le traitement « épidémiologique » des partenaires est nécessaire.

Les virus des hépatites

Le virus de l’hépatite B est le plus sexuellement transmissible, à l’occasion de rapports sexuels, buccaux ou anaux, ce qui justifie la vaccination. Quant à l’hépatite C, elle se transmet rarement lors de rapports sexuels (plutôt anaux, chez des homosexuels). Infections à VHB et C doivent être systématiquement dépistés au décours de rapports à risque.

Dr Brigitte Blond

Source : Le Quotidien du Médecin: 9441