Vaccination antigrippale en officine : les pharmaciens veulent piquer toute la population, le ministère y travaille

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Publié le 24/01/2019
vaccin pharmaciens

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Crédit photo : S. Toubon

Après les personnes ciblées par les recommandations vaccinales antigrippales – plus de 65 ans, patients atteints de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque ou respiratoire), femmes enceintes, personnes souffrant d'obésité morbide, soit 12 millions de personnes – les pharmaciens d'officine pourraient être prochainement autorisés à vacciner les personnes « hors cible » des recommandations, selon nos informations.  

Interrogée sur le rôle des pharmaciens et la généralisation de la vaccination contre la grippe en officine, Agnès Buzyn a ouvert la porte, lors de ses vœux à la presse. « La prochaine campagne de vaccination 2019-2020 ne concerne pas seulement la population à risque. C’est pour les primo-vaccinants et pour toutes les populations à risque et non à risque. C’est ouvert à tous. »

Interrogé à nouveau ce jeudi par « le Quotidien », le service de communication d'Agnès Buzyn confirme la réflexion actuelle sur la généralisation à toute la population (y compris hors cible) de la vaccination anti-grippale par les pharmaciens. « Concernant la campagne de vaccination 2019/2020, les services du ministère de la Santé (DGS) travaillent en ce moment même à savoir si la mise en œuvre de cette proposition est faisable sur le plan technique, mais également souhaitable sur le plan de la santé publique », répond-il. 

Déjà, la Haute Autorité de santé (HAS) a bel et bien proposé (dans sa recommandation vaccinale, publiée en juillet 2018) de permettre aux pharmaciens et aux infirmiers de vacciner contre la grippe y compris les personnes « hors cible des recommandations, les frais devant être assumés par ces personnes ». Un tel arbitrage changerait la donne en généralisant la possibilité de vaccination en officine contre la grippe saisonnière, accordant un rôle central au pharmacien. 

L'Ordre des pharmaciens pousse en ce sens 

De fait, dans la recommandation de la HAS sur l'extension des compétences des professionnels en matière de vaccination, il est indiqué que « tous les professionnels de santé habilités à vacciner devraient être en capacité de vacciner tout individu qui en fait la demande à titre individuel qu'il appartienne ou non aux populations ciblées par les recommandations vaccinales et dès lors qu'il en assume les coûts associés (en dehors des contre-indications à la vaccination) ». Les arbitrages seront rendus « dans les prochaines semaines », confie le ministère de la Santé.

Ce jeudi, le conseil de l'Ordre des pharmaciens a souligné que ces derniers espèrent pouvoir vacciner toute la population contre la grippe dès l'automne prochain, et pas seulement les personnes pour qui la vaccination est recommandée. Après l'extension à tout le territoire, l'extension à l'ensemble de la population est « la prochaine étape », a espéré la présidente de l'Ordre des pharmaciens, Carine Wolf-Thal, face à la presse.

Cette généralisation de la vaccination anti-grippale en officine ne surprend pas le président de l'Union des syndicats de pharmaciens d'officine (USPO), Gilles Bonnefond. « La stratégie est de simplifier le parcours de ceux qui ne vont pas dans les cabinets médicaux car ils ne sont pas malades. Il faut donc leur permettre de se vacciner rapidement. C'est le cas du chef d'entreprise, du cadre dynamique ou de la personne qui va voir un parent en EHPAD », illustre le pharmacien de Montélimar.

Les questions du parcours de soins, du retour d'information au praticien ou de la traçabilité risquent de se poser. « Il faudra clarifier le retour d'informations aux médecins, admet Gilles Bonnefond. Les personnes en dehors de la cible vont payer leur vaccin qui ne sera pas remboursé. On sait que des mutuelles comme Klesia remboursent les vaccins contre la grippe. » 

Quant à la rémunération de l'acte vaccinal du pharmacien, une négociation conventionnelle va être engagée avec la CNAM. « Si le ministère autorise les pharmaciens à vacciner les personnes hors cible, cela fera partie de la négociation », avance déjà le patron de l'USPO.

Objectif de santé publique

Interrogé par « le Quotidien », le secrétaire général de MG France, le Dr Jean-Louis Bensoussan, avoue « ne pas être au courant de cette extension vaccinale pour la population hors cible ». En 2016, le syndicat de généralistes s'était opposé à la vaccination anti-grippale dans les officines. Il suggérait plutôt aux pouvoirs publics de mettre à la disposition des médecins traitants des lots de vaccins antigrippaux au prorata du nombre de patients concernés.

L'exécutif avait préféré expérimenter la vaccination à l'officine (uniquement pour les populations ciblées) dans deux puis dans quatre régions (Auvergne Rhône-Alpes, Hauts-de-France, Nouvelle Aquitaine et Occitanie), avant de décider l'extension France entière dès la campagne 2019. Cette mesure « fonctionne très bien », a confirmé Agnès Buzyn. Mais après la généralisation territoriale sur des publics ciblés, c'est donc désormais la généralisation à la toute la population qui se joue dans les prochaines semaines.


Source : lequotidiendumedecin.fr