A VANT l'introduction de la prophylaxie spécifique (fin des années quatre-vingt), la pneumonie à Pneumocystis carinii était l'infection opportuniste la plus fréquemment associée à l'infection VIH. Quatre-vingts pour cent des patients ayant des taux de CD4 inférieurs à 200/mm3 présentaient cette complication. De plus, après un premier épisode, le risque de rechute dans les six mois était estimé à 50 % sans prophylaxie secondaire.
Actuellement, cette prophylaxie est recommandée chez tous les patients infectés par le VIH dont le taux de CD4 est inférieur à 200/mm3 (prévention primaire), ainsi qu'après un premier épisode (prévention secondaire).
L'avènement, il y a quelques années, de la thérapie antirétrovirale hautement active a considérablement changé le cours de l'infection VIH, avec réduction de la morbidité et de la mortalité. Chez les patients ainsi traités efficacement, on observe généralement une suppression de la réplication du VIH et une remontée importante du taux des CD4.
Une remontée des CD4 au-delà de 200/mm3
Se pose alors la possibilité d'un arrêt de la prophylaxie de cette pneumocystose chez les patients qui ont bien répondu au traitement antirétroviral avec une remontée des CD4 au-delà de 200/mm3. En se basant sur des études non contrôlées, plusieurs autorités américaines et européennes ont recommandé, en 1999, l'arrêt de la prophylaxie primaire de la pneumonie à P. carinii chez ce sous-groupe de patients. Il reste toutefois à définir quels sont les critères optimums pour l'arrêt. De plus, en raison de données insuffisantes, les autorités se sont montrées plus réservées quant à l'arrêt de la prophylaxie secondaire.
Deux études européennes apportent maintenant des éclaircissements sur les conditions d'arrêt de la prophylaxie en toute sécurité.
474 patients sous prophylaxie primaire
Dans une étude randomisée conduite en Espagne, Lopez et coll. ont arrêté ou poursuivi la prophylaxie de la pneumonie à P. carinii chez 474 patients recevant une prophylaxie primaire et chez 113 patients sous une prophylaxie secondaire. Tous les sujets enrôlés devaient avoir des taux de CD4 supérieurs à 200/mm3 depuis au moins trois mois (ainsi que des taux plasmatiques d'ARN VIH inférieurs à 5 000 copies/ml). Les résultats sont satisfaisants. Il n'est survenu aucune pneumocystose durant un suivi moyen de dix-neuf mois chez les 240 patients sans prophylaxie primaire (758 personnes-années ; IC 95 % : de 0 à 0,85 épisodes par 100 personnes-années), ainsi que durant un suivi moyen de douze mois chez les 60 patients sans prophylaxie secondaire (IC 95 % : de 0 à 4,5 épisodes par 100 personnes-années).
Ledergerber et coll. se sont concentrés sur l'arrêt de la prophylaxie secondaire. Ils ont analysé les données de 8 cohortes européennes de patients traités par thérapie antirétrovirale hautement active.
Suivis prospectivement pendant treize mois
Leur observation porte sur 325 patients dont la prophylaxie secondaire contre P. carinii a été interrompue après une remontée du taux de CD4 au-dessus de 200/mm3 (à partir d'un taux minimal extrême moyen de 50/mm3). Leurs résultats sont aussi favorables. Les patients ont été suivis prospectivement pendant treize mois en moyenne (374 personnes-années) et aucun n'a eu de rechute de pneumocystose (IC 95 % : de 0 à 1,2 épisodes par 100 personnes-années).
Ainsi, les deux études concluent que la prophylaxie peut même être arrêtée chez les patients ayant un antécédent de pneumonie à P. carinii, si les taux de CD4 s'élèvent à plus de 200/mm3 et si la virémie reste faible.
« Quelles sont les conséquences pratiques de ces résultats ? », commente dans un éditorial associé le Pr Pierre-Marie Girard (faculté de médecine Saint-Antoine, Paris). « En ce qui concerne le seuil de CD4 à partir duquel la prophylaxie peut être arrêtée en toute sécurité, la valeur moyenne dans les deux études était d'environ 350/mm3 », souligne-t-il. L'arrêt immédiat dès que le taux des CD4 a atteint 200/mm3 n'est donc pas justifié. De plus, « la prophylaxie ne devrait pas être arrêtée si le patient présente une candidose orale, ou un amaigrissement en cours, ou s'il reçoit une chimiothérapie cytotoxique ou une corticothérapie au long cours ».
« New England Journal of Medicine », 18 janvier 2001, pp. 159, 168 et 222.
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