Un des effets indésirables de la thérapie antirétrovirale chez les patients infectés par le VIH est de sélectionner des souches mutantes qui résistent au traitement. Que faire alors ?
Une approche, de plus en plus courante, consiste à interrompre un temps le traitement afin de favoriser la réapparition d'une population virale plus sensible (de type sauvage), qui survient souvent dans les deux à quinze semaines. L'espoir de cette approche est d'améliorer la réponse à un traitement antirétroviral optimisé, dit de sauvetage. Un risque existe, celui d'une immunosuppression accrue due à un virus sauvage, en « meilleure forme ».
L'évaluation de cette approche dans des études randomisées prospectives est donc primordiale. Trois études ont été réalisées. La plus vaste, et la seule évaluant les résultats cliniques, est publiée aujourd'hui dans le « New England Journal of Medicine ».
L'étude de Lawrence et coll., menée dans 16 unités du consortium CPCRA (Community Programs for Clinical Research on AIDS), porte sur 270 patients séropositifs.
Un arrêt de 4 mois
Ils présentaient une virémie supérieure à 5 000 copies/ml et une multirésistance du VIH (sur test génotypique). La moitié environ a constitué, après tirage au sort, le groupe d'interruption de traitement (arrêt de 4 mois suivi d'un traitement optimisé) ; l'autre moitié, le groupe témoin (début immédiat d'un traitement optimisé, en moyenne : 3,6 antirétroviraux).
L'étude prévoyait d'enrôler 480 patients, mais le recrutement a été stoppé prématurément (270 patients) devant les résultats médiocres du groupe d'interruption thérapeutique : 22 cas de progression de la maladie (ou SIDA) ou de décès, en comparaison de 12 dans le groupe témoin (RR : 2,57 pour le groupe d'interruption). Le nombre de décès était le même dans les deux groupes (n = 8).
L'interruption du traitement s'est bien accompagnée chez 64 % des patients d'un rétablissement, partiel ou complet, d'une population VIH de type sauvage.
Les CD4 restent plus bas
Dans le groupe d'interruption thérapeutique, les CD4 ont chuté, comme prévu, durant l'arrêt thérapeutique, puis sont remontés après réintroduction du traitement, mais sont restés plus faibles que dans le groupe témoin (de 50 à 30 cellules/mm3 de moins durant le suivi). Le traitement optimisé de sauvetage a eu les mêmes résultats décevants sur la virémie dans les deux groupes. La qualité de vie globale s'est révélée similaire dans les deux groupes.
Ces résultats diffèrent de ceux d'une des deux autres études randomisées menées à ce jour. Cette étude, GIGHAART (à paraître dans « AIDS »), plus petite (n = 68), évaluant un arrêt thérapeutique plus court (8 semaines) et un traitement de sauvetage plus intense (en moyenne : 7 antirétroviraux), montre une meilleure réponse virologique et immunologique dans le groupe d'interruption thérapeutique, mais elle n'a pas évalué les résultats cliniques.
« Nos résultats indiquent que... il est préférable de continuer le traitement avec une combinaison antirétrovirale optimisée et d'éviter l'arrêt du traitement », concluent Lawrence et coll.
Le Dr Bernard Hirschel (Genève) offre un avis similaire dans un commentaire : « Pour l'instant, à moins qu'il n'y ait des effets secondaires insupportables, les patients devraient poursuivre le traitement en attendant la thérapie de sauvetage. » Mais, ajoute-t-il, l'interruption du traitement, plus courte ou partielle, a peut-être encore un rôle à jouer avant de commencer le traitement de sauvetage. Ce rôle devra être évalué dans de futures études cliniques.
« New England Journal of Medicine », 28 août 2003, pp. 837 et 827.
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