Vives réactions à la charge des pourfendeurs des statines sur Arte

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Publié le 19/10/2016
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Crédit photo : Arte

Comment le cholestérol est devenu un coupable alors qu'il est indispensable à la vie ? C'est sur cette question que s'ouvre le documentaire d'Anne Georget diffusé mardi 18 octobre sur Arte (et visible sur Arte+7 jusqu'au 16 novembre). À l'écran, la journaliste américaine Nina Teicholz (auteure d'un best-seller dans lequel elle réhabilite la place du gras dans un régime alimentaire équilibré), le médecin journaliste Dominique Dupagne ou encore le cardiologue Michel de Lorgeril s'attaquent au « dogme du cholestérol » et aux statines jugées inutiles et dangereuses.

Le documentaire-brûlot a été assez mal reçu par les cardiologues joints par « le Quotidien ». Le Pr François Schiele, chef du service soins intensifs cardiologiques du centre hospitalier régional de Besançon et membre de la Société européenne de cardiologie s'indigne qu'« avec un titre pareil, l'émission ne vise pas à installer à débat mais à faire le buzz, reproche-t-il nous avons énormément de données qui expliquent le rôle causal du LDL. Avec ce genre de "negative story", on observe dans les 3 mois une chute des consommations de statines y compris chez les patients les plus à risque ».

Un constat partagé par le Pr Martine Gilard, vice-présidente de la Société française de cardiologie : « Pour le grand public adepte de la théorie du complot, ce genre de documentaire est un signal pour être moins observant, or nous voyons au quotidien que les bénéfices des statines dépassent largement les risques », précise-t-elle. La Société française de cardiologie communiquera bientôt une réponse officielle aux propos tenus dans le documentaire.

Data contre data

La thèse du documentaire, déjà abondamment présentée dans plusieurs livres, dont celui du Pr Even, est qu'il s'est construit une mythologie autour du rôle du cholestérol dans les pathologies cardiovasculaires, qui a été mise profit par l'industrie agroalimentaire et a généré une véritable bulle spéculative autour des médicaments contre le cholestérol, au premier rang desquels se trouvent les statines. La controverse illustrée par le documentaire est un champ de bataille sur lequel on s'écharpe œil pour œil et data contre data. En réponse à la polémique, « The Lancet » a récemment publié une revue de la littérature qui concluait à l'existence d'une balance bénéfices/risques des statines clairement positive.

Historiquement, tout aurait commencé à la sortie de la guerre. « Le cholestérol était le coupable idéal à la grande épidémie d'accidents cardiovasculaires de l'époque », explique dans le documentaire Harvey Leveinstein, historien de l'alimentation. L'hypothèse du rôle des graisses a été par la suite ardemment défendue par le chercheur américain Ancel Keys, rendu célèbre par une étude épidémiologique menée sur 7 pays montrant une corrélation entre régime alimentaire riche en graisses et risque d'accident cardiovasculaire.

De la « mauvaise science » pour Dominique Dupagne. « Ancel Keys a sélectionné les données qui validaient son point de vue et a mis de côté ce qui le dérangeait comme la France et la Finlande qui consomment autant de graisse l'un que l'autre, mais où l'incidence de l'infarctus varie d'un rapport de 1 à 7 », précise-t-il.

Les résultats de l'étude de Framingham n'ayant pas corroboré les premiers résultats de Keys, de nouvelles recherches ont isolé deux types de cholestérol : le HDL-cholestérol (le « bon » cholestérol) et le LDL-cholestérol (le « mauvais »). Une distinction qui aurait fait les affaires de l'industrie agroalimentaire, selon les intervenants du documentaire, ravie de mettre en avant les vertus des huiles végétales dont elle commençait à remplir ses préparations. Les accusations du documentaire sont lourdes : collusion avec l'industrie, tentative d'intimidation des chercheurs qui, à l'image du Dr Kilmer McCully de Harvard et sa théorie des homocystéines, aurait avancé une explication alternative à l'augmentation du risque cardiovasculaire.

Record d'audience

Le principal cheval de bataille des pourfendeurs du consensus actuel est l'influence des laboratoires sur les résultats d'étude et l'écriture des recommandations, toute en faveur des prescriptions de statines. « Plus de 80 % des études sont financées par les laboratoires, affirme le Dr John Abramson (médecin généraliste auteur d'Overdo$ed America) et 9 des 14 auteurs des recommandations américaines de 2001 qui imposaient des cibles strictes de taux de cholestérol avaient des liens avec l'industrie. »

Querelle de spécialistes ? En tout cas, l'enjeu est de taille a en croire le succès enregistré par l'émission : plus de 1,4 million de téléspectateurs étaient devant Arte hier soir, soit 5,8 % de part d'audience, « la meilleure audience de l’année pour un documentaire diffusé en prime time dans Thema », se réjouit la chaîne franco-allemande dans un communiqué.


Source : lequotidiendumedecin.fr