On me reprochera peut-être de consacrer la dernière de mes chroniques de la saison à un événement dont l'importance ne saute pas aux yeux. Je le trouve, pourtant, très significatif d'une époque qui, ayant accepté sans sourciller le transgenrisme, a aussi adopté le transmétiers. Nous avions tous la naïveté de croire qu'une formation est nécessaire à l'exercice d'un job et que, sans le parcours académique idoine et un peu d'expérience, on risque de sombrer dans la médiocrité. Il n'en est rien : les embauches de personnaités politiques dans les chaînes de télévision sont, chaque fois, accueillies avec curiosité et bienveillance. Avant Mme Sailliet, Roselyne Bachelot, ex-UMP et ancienne ministre, et Raquel Garrido, toujours France insoumise, ont fait un tabac sur les plateaux.
Cependant, elles nous permettront de les soupçonner d'arriver dans les studios avec les mêmes idées. Si l'on pouvait attendre un minimum d'objectivité de tel ou tel animateur ou d'un journaliste non encarté, il n'en va pas de même avec les anciennes de la politique. Mme Garrido n'a d'ailleurs jamais caché que son objectif, à la télé, consistait à mieux combattre le système de l'intérieur, ce qu'elle a d'ailleurs fait avec une très régulière constance. Et sans doute les téléspectateurs, à la rentrée, auront-ils du mal à démêler, dans les paroles de l'ex-porte-parole, ce qui vient de son cerveau et ce qui vient de ce qu'elle a appris chez LR.
Aussi bien comprend-on que Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'égalité des droits, soit saisie d'une juste colère : Mme Sailliet, a-t-elle déclaré en substance, m'a couverte d'injures quand je me suis autorisée à intervenir une fois dans le show de M. Hanouna, voilà qu'elle s'y installe pour longtemps. Oui, mais les temps changent. D'un côté, on peut éprouver un peu d'empathie pour Laurence Sailliet, candidate sur la liste LR aux élections européennes, mais qui n'a pas pu être élue parce que le score de son parti était insuffisant. Il lui fallait, pourrait-on dire, un point de chute, même si elle croit qu'elle s'élève en passant de la droite au petit écran. Inversement, et là, c'est le journaliste qui parle, ces dames privent les journalistes professionnels, qui cotisent à la carte nationale, d'emplois qui leur reviennent. Si les temps sont durs pour LR, ils ne sont pas meilleurs dans la presse, dont les effectifs ne cessent de diminuer. Bref, c'est un problème social.
Un peu d'impartialité
D'où l'inquiétude que je partage avec mes confrères. Est-ce une manie ou une mode ? Le fait est que les grands animateurs TV recrutent des femmes qui n'ont avec le journalisme qu'un rapport lointain, même si la mur est poreux entre ceux de la presse et ceux qui s'adressent à elle. Le jour où M. Macron quittera le pouvoir, je vois bien Marlène Schiappa devenir présentatrice d'un journal télévisé. Et si je dis : pourquoi pas moi ? on me rétorquera que je ne suis pas une femme, pas de la première fraîcheur et que mon féminisme n'est pas aussi ardent que le sien. Ce qui, d'ailleurs, n'est pas vrai. J'ai publié ici même il y a quelques mois un article à la gloire des femmes qui m'a valu les quolibets d'un lecteur, lequel m'a demandé très sérieusement si ma chronique était sincère ou seulement une satire déguisée.
On n'en fera pas une maladie, ne serait-ce que parce que, vieux jeu comme je suis, je n'aurai pas l'inélégance d'accabler Mme Sailliet de mes sarcasmes. Mais dans l'observation de cette affaire, je reste très politique : voyons voir si Mme Sailliet, par respect de l'éthique, abandonnera son ton comminatoire à l'égard du pouvoir ou si, au contraire, elle saura teinter ses propos d'un peu d'impartialité. Mais sans doute me trompé-je. Le succès de l'émission de Cyril Hanouna ne relève pas de la qualité des informations qu'il propage, mais des rires qu'il déclenche. De ce seul point de vue, la marmoréenne Mme Sailliet devra faire un effort et fendre l'armure, comme disait Jospin.