Courrier des lecteurs

Choix des internes en Ile-de-France: un désastre sanitaire

Publié le 04/11/2019

Tout commence par l’ARS. C’est avec un certain désarroi que les médias généralistes ont annoncé aux Français que les services de pédiatrie des hôpitaux à la périphérie de Paris allaient connaître l’hiver prochain un véritable problème.

À l’origine de cette « catastrophe », l’ARS d’Ile de France, qui a surévalué le nombre d’étudiants en formation. Cette bavure a conduit à une désaffection totale de certains services de pédiatrie situés en banlieue.

L’ARS a reconnu dans un premier temps cette erreur, et a proposé de mieux rémunérer les étudiants volontaires (500 € de plus par mois), et de proposer des vacations aux médecins retraités au sein de ces services de pédiatrie en manque de main-d’œuvre.

Néanmoins, après avoir reconnu cette faute, et après avoir proposé des solutions pour résoudre cette crise sanitaire, l’ARS (après une probable discussion avec le ministère de la Santé) a changé radicalement de position.

Ainsi, les responsables ont « découvert » qu’un étudiant était au choix alors que cela ne lui était pas possible. De ce fait, cet interne qui avait choisi dans les premiers était coupable d’une inégalité de traitement dans le choix du lieu de stage de ses collègues.

En conséquence, les étudiants parisiens qui doivent faire un stage en pédiatrie vont devoir reformuler leurs desiderata moins de 7 jours avant le début de leur affectation définitive.

Il est étonnant de voir que les internes en médecine sont considérés comme des maillons forts dans le fonctionnement des hôpitaux. Il est vrai qu’ils sont en formation pour mieux appréhender leur futur exercice. Néanmoins, formation ne doit pas rimer avec exploitation.

Or depuis quelques mois, des étudiants se sont manifestés pour mettre en avant l’absence d’un encadrement de qualité pour les seconder (cas des urgences de Mulhouse). Il est quelque peu inconvenant d’utiliser ces futurs collègues comme une variable d’ajustement dans les zones de carence en praticiens.

D’autre part, le revirement de comportement de l’ARS, pour une raison « d’inégalité de chances », demeure quelque peu méprisant pour ces internes que l’on ne respecte pas vraiment. Personne ne se pose la question de leur logement ! Un fonctionnaire de l’ARS accepterait-il une mutation avec une connaissance de son lieu d’affectation 2 ou 3 jours avant le début du nouveau poste de travail ?

Désastre sanitaire

Nous pouvons déjà penser à l’issue de ce désastre sanitaire. Si nous reprenons les différents médias généralistes, nous ne pouvons qu’être surpris de la façon dont cette information a été relatée. Le texte est quasiment identique au mot près quel que soit le quotidien choisi. Cette situation est-elle en relation avec le manque de lecteurs de la presse généraliste qui pousse les journalistes, pressés comme des citrons, à recopier les piges de l’AFP S’agit-il d’une volonté exprimée en coulisse de nos politiques qui souhaitent de cette manière mieux « informer » nos concitoyens ?

Toujours est-il que les gros titres de journaux mettaient l’accent sur le désastre sanitaire en Ile de France. Ce titre, très révélateur (probablement disproportionné), sera certainement le fil rouge dans les discussions pour affecter des étudiants dans les services non actuellement pourvus.

Comment des étudiants, dont les études sont payées par les contribuables (ces « nantis » avec une cuillère d’argent dans la bouche ne font pas l’unanimité auprès de nombreux Français…), n’acceptent-ils pas des propositions allant dans un sens humaniste ? Pourquoi ces « nantis » refusent-ils de soigner certains de nos concitoyens qui ont aussi le droit à être pris en charge ? Malheureusement, aucun journaliste ne s’est posé la question des raisons du désamour des étudiants pour les services de pédiatrie à la périphérie de Paris. Alors que les possibilités d’un logement à moindre coût par rapport au centre de Paris sont une réalité, ces stages sont boudés. Ne serait-il pas nécessaire que nos politiques réfléchissent un petit peu pour résoudre les problématiques de certaines de ces banlieues qui ont été oubliées (plus ou moins sciemment) par nos dirigeants ?

Au final, il est certain que les internes ne ressortiront pas victorieux, et devront accepter, après quelques atermoiements, les « propositions » de l’ARS sans broncher. Ils auront à digérer avec beaucoup d’amertume une faute pour laquelle ils ne sont pas responsables. C’est à nous, les vieux loups, qui avons également bravé de telles humiliations, de les encadrer et de les soutenir.

« Une erreur chérie creuse la place de chaque amère vérité ». Alain.

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Dr Pierre Frances, Médecin généraliste, Banyuls-sur-mer (66)

Source : Le Quotidien du médecin