À propos des EHPAD, quelle légitimité ai-je pour m'exprimer ici ? Médecin gynécologue, thèse 1965, Paris, 40 ans à l'AP de Paris, attachée de consultation, professeur à l'école des infirmières (hôpital Saint-Antoine, Paris), chef de travaux assistant des hôpitaux (CHU Saint-Antoine Paris), enfin, à la recherche depuis deux ans, d'un établissement pour mon mari, âgé de 85 ans, qui débute une démence sénile.
Après le désastre de ces derniers mois, dans les EHPAD, je crois que ce sigle est à détruire. Ce n'est pas un hôpital, ce n'est pas un mouroir, ce n'est pas une garderie pour des petits vieux gâteux. C'est, dans une résidence pour personne âgée que la famille a placée là, afin qu'elle soit assistée, aimée, si besoin soignée dans des conditions de sécurité, alors que ce n'était plus possible à domicile. Or, souvent, ce n'est pas cela. Que de tristesse, de désillusions, de remords, de laisser ceux que l'on aime entre des mains et des murs qui inspirent plus de tristesse que d'amour.
Il faut revoir le concept d'EHPAD en urgence pour faire mieux. Que faut-il faire ? D'abord, revoir la notion d'équipe. En premier : la direction qui doit tout surveiller. Puis le personnel. Il faut un médecin spécialiste en gérontologie assurant un vrai plein-temps, faisant chaque jour une visite des résidents. Il faut des infirmières diplômées présentent jour et nuit, formées à la gériatrie. Il faut des aides-soignantes, qui doivent être prévenues à l’embauche de ce qui les attend, car il faut sans broncher ramasser les excréments, les urines, le vomi des résidents. Est-ce un travail ? Non, c’est un sacerdoce, car en plus, il ne faut pas culpabiliser les résidents, mais les rassurer, car peu d’entre eux sont conscients de ce qu’ils font, tout en étant malheureux, humiliés, honteux.
Les manifestations du personnel hospitalier, que l’on a qualifié de revendications salariales, insistaient pour que l’on considère mieux leur travail. Il faut apprendre à tout le personnel médical et social à travailler ensemble : depuis la lingère – car il est indispensable que les anciens soient bien vêtus — en passant par les aides-soignantes, à qui il faut définir avec précision leurs tâches, répétitives, certes, mais fort utiles. Les serveuses du restaurant doivent participer à la stricte observance des régimes de chacun, sous la houlette du cuisinier qui élabore les repas. Enfin, les infirmières qualifiées sont guidées par le médecin.
Dans beaucoup d’établissements, je sais qu’il y a des rapports d’activités quotidiens. C’est bien, mais tout le personnel doit y participer, pour pouvoir s’exprimer à propos de chaque difficulté rencontrée, afin de trouver rapidement une solution.
Pour chaque établissement, il faut réaliser un audit, afin de connaître le coût réel de chaque résident, pour pouvoir mettre fin à des demandes de frais de séjour indécents et très souvent inacceptables pour les familles. Ces réformes sont onéreuses, mais comment parler « gros sous » quand la qualité des anciens en dépend ? Le matériel médical doit certainement être modernisé, permettant toute intervention sur place, avant d’envisager un transfert hospitalier, O combien traumatisant.
Parlons des relations avec les familles. Là aussi, il faut les améliorer. Le médecin, sur rendez-vous, doit pouvoir recevoir ceux qui le désirent. Le médecin traitant doit informer par téléphone ou par mail de ses constatations.
Mesdames, Messieurs les directeurs d’EHPAD, vous avez la responsabilité de 600 000 personnes âgées. Dans quelques années, il y aura 2 millions de nos anciens qui seront touchés par la maladie d’Alzheimer. À vous de réfléchir vite et bien pour retrouver l’amour des autres. La médecine, c’est un art. C’est l'art d’aimer l’autre en acceptant l’absence de retour d’affection, car les résidents ont perdu la mémoire immédiate et donc ne témoigneront pas de reconnaissance pour les efforts faits à leurs égards.
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