Courrier des lecteurs

Rats des villes et rats des champs

Publié le 31/01/2025
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La Cnam souhaite modifier les règles du jeu en ce qui concerne la rémunération des consultations effectuées au sein des maisons médicales de garde. Ainsi les consultations non programmées ne seront pas rétribuées de la même façon que celles effectuées suite à une régulation. Cette situation a quelque peu contrarié certains confrères responsables de centres qui n’acceptent pas cette nouvelle donne, et mettent en avant la fragilité de leur équilibre financier.

Il est vrai que le fonctionnement de ces structures nécessite une rétribution des secrétaires, fournitures… qui sont à la charge des praticiens intervenant dans ces unités.

Les maisons médicales de garde, et leurs travers

Depuis la création de ces maisons médicales de garde qui sont implantées en zone urbaine, pour la plupart, les demandes de consultations sont énormes et se majorent d’années en années. De ce fait, et pour permettre un accueil de qualité, le nombre de praticiens généralistes qui officient dans ces centres a très rapidement augmenté permettant de répondre à cette inflation de demandes. Cette situation a quelque peu alerté la Sécurité sociale (raison de l’intervention de la Cnam) qui a observé une flambée des remboursements au sein de ces unités.

Les confrères se disputent pour assurer un tour de garde au sein de ces structures qui permettent de mettre beaucoup de beurre dans les épinards

Dans notre département, le succès de cette formule de soins au sein de la maison médicale départementale est une réalité, et s’explique par le bouche à oreille qui permet à certains de se déplacer le soir pour avoir une consultation pour le petit qui a un rhume ou une toux depuis quelques jours, ou pour le patient qui souhaite un renouvellement du traitement trimestriel.

Les confrères se « disputent » pour assurer un tour de garde au sein de ces structures qui permettent du fait de la majoration du tarif de consultation de mettre beaucoup de beurre dans les épinards. Les généralistes qui œuvrent dans le service des urgences qui est proche ont le privilège de recevoir une rémunération entre cinq et 10 fois moins importante pour une charge de travail tout aussi contraignante.

Certains confrères n’ont pas de scrupules pour réduire leur plage de consultations au sein de leur cabinet afin de se diriger vers ces centres qui ouvrent à 19 heures, tandis que d’autres tentent de s’exonérer du tableau de garde de leur secteur pour travailler dans ces structures très lucratives.

Des visites (elles sont réalisées par les mêmes médecins de cette maison médicale de garde) sont cependant effectuées dans notre département, mais restent rares pour deux raisons : SOS Médecin intervient sur une grande couronne et génère une activité sur un secteur plus limité ; ces visites sont régulées par le centre 15, contrairement aux consultations.

Les gardes au sein des secteurs ruraux

Au sein des zones rurales la donne est différente. En effet le déplacement du généraliste durant la période de garde, ou les actes effectués dans le cabinet médical, est subordonné aux demandes formulées par la régulation. Autrement dit, il ne peut pas aller au chevet du patient, et obtenir une majoration de ses actes, si le 15 refuse toute prise en charge (cas où la demande est jugée superflue ou peut être traitée sans intervention d’un professionnel de santé). De ce fait durant un week-end de garde (dans ces zones les gardes du week-end sont effectuées sur 28 heures entre le samedi et le dimanche), le nombre de patients consultés est faible (sur notre secteur entre 5 et 10).

Bien entendu, et contrairement aux maisons médicales, les confrères volontaires pour assurer ce service ne se pressent pas au portillon. D’ailleurs, ce qui fait parfois râler certains collègues, des jeunes généralistes demandent une exemption de gardes. Cette exemption a été rendue possible par le fait que « cette activité », qui s’ajoute à celle effectuée hebdomadairement, est réalisée sur la base du volontariat.

Dans certains cas des secteurs ne sont pas pourvus par la permanence des soins (zone blanche), mais les médecins de garde du secteur proche acceptent souvent de consulter dans leur cabinet les patients nécessitant des soins en urgence.

Nos organismes sociaux, mais aussi nos associations de patients (elles sont souvent remontées vis-à-vis des libéraux) peuvent constater que dans un monde très individualiste certains praticiens ont le sens des valeurs, et une certaine dose d’humanisme ancré dans leurs gènes. De plus, tous les secteurs de garde ne sont pas logés à la même enseigne, et certains bénéficient grâce au concours des ARS d’une défiscalisation des actes réalisés durant la période de garde (ce n’est pas notre cas).

Bien entendu il est important de ne pas mettre tout le monde dans le même sac, et notamment les médecins qui officient dans les zones montagneuses, tout comme certaines structures qui sont implantées dans des secteurs où la demande est faible. Ces derniers doivent garder cette rémunération car leur activité est très spécifique, et permet un maillage dans le cadre de la permanence des soins de qualité.

Accepter de nouvelles règles

Pour ceux qui travaillent dans les maisons médicales de garde, il me paraît raisonnable d’accepter les nouvelles règles, cela pour plusieurs raisons.

Car il est important de maintenir notre système social qui est de plus en plus déficitaire. En acceptant de telles « dérives », nos énarques devront en contrepartie limiter le remboursement de certains actes, ce qui va faire grincer des dents certains assurés sociaux. De plus, et nous le voyons actuellement, pour faire face à une envolée des dépenses, les organismes sociaux demandent une contribution plus importante aux mutuelles dont les tarifs sont devenus prohibitifs pour certains patients peu argentés.

Car il est nécessaire de ne pas donner l’idée à nos concitoyens que la maison médicale de garde est un lieu où ils peuvent consulter pour n’importe quel motif, mais uniquement dans le cadre d’une urgence

Car il serait juste que les rats des villes et des champs aient des prises en compte superposables, ce qui permettrait peut-être (je suis un peu naïf je le pense) de donner plus de valeur aux gardes effectuées en milieu rural.

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Dr Pierre Francès, médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer (66)

Source : Le Quotidien du Médecin