Dans un village isolé du centre de la France, une femme âgée attend depuis des semaines une consultation médicale car le médecin le plus proche a pris sa retraite et n'a pas été remplacé ; dans une ville, un salarié, faute d’obtenir un rendez-vous lorsqu’il le souhaitait, est contraint de déposer une demi-journée de congé pour être soigné.
Ces situations devenues banales imposent d’agir en repensant la relation malade-médecin dans toutes ses dimensions, y compris territoriale. Elles imposent aussi de redonner vie aux grands principes qui font la particularité et l’efficacité du système de santé français : prise en charge partielle ou totale des soins, liberté de choix du médecin mais aussi solidarité nationale et citoyenneté.
Pour agir et faire des propositions, modeste objectif de cette contribution, il faut également combattre les confusions, les « yaca » stériles, les simplismes de toutes sortes ou l’émotion devenue le carburant de la scène médiatique et de tous les populismes qui enferment le citoyen dans un labyrinthe angoissant.
Chaque acteur du système (médecin, patient, citoyen) doit s'engager à garantir un juste soin, au juste prix, en évitant les dépenses inutiles et en optimisant les dépenses tout en préservant la qualité
Le modèle français est aujourd'hui en péril en raison des déficits budgétaire et de la protection sociale, aggravé par le chômage, le vieillissement de la population et un endettement croissant rendant une prise de conscience collective cruciale.
Chaque acteur du système (médecin, patient, citoyen) doit s'engager à garantir un juste soin, au juste prix, en évitant les dépenses inutiles et en optimisant les dépenses tout en préservant la qualité.
« Ma Santé 2022 »
En 2022, le plan gouvernemental « Ma santé 2022 » ambitionne de répondre au défi lié à l'endettement et à la pénurie de médecins en repensant le système de santé pour garantir une meilleure prévention et une égalité d'accès aux soins de qualité. Il implique la création de projets de santé à l'échelle de chaque territoire, fondés sur la coopération de tous les professionnels et une coordination territoriale, en particulier dans les déserts médicaux. Il propose le renforcement des hôpitaux de proximité, l’organisation de la permanence des soins et des pôles d'urgence, le développement de la prévention et le maintien à domicile, une meilleure prise en charge des maladies chroniques et des soins programmés. Il s’appuie sur des dispositifs nouveaux : les centres de santé (avec médecins salariés) et les maisons de santé pluridisciplinaires (libéraux regroupés), soutenus par les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), les agences régionales de santé et la Caisse primaire d'Assurance-maladie (CPAM).
Créons une filière de Praticien libéral de proximité
Nous proposons la création d'une filière de Praticien libéral de proximité (PLP), autour d’un parcours en trois temps : identification précoce des étudiants volontaires dès la première année ; intégration à la vie hospitalière dès la deuxième année, avec participation active et rémunérée ; statut de remplaçant de praticiens de proximité, formé durant la cinquième année avec des missions ciblées dans les zones prioritaires et les pôles d'urgence locaux.
Un contrat d'engagement avec l'université et les collectivités territoriales sécuriserait ce parcours.
Les patients bénéficieraient d’un dossier médical numérique, d’un tarif opposable et devraient signer une charte éthique.
Les praticiens bénéficieraient d’un cabinet équipé de matériel moderne, d’une assurance professionnelle financée par l'État, d’un secrétariat et d’une infirmière référente détachés de l'hôpital local. Leur participation au pôle d’urgence locale serait planifiée, ils effectueraient des vacations hebdomadaires à l’hôpital et auraient des droits spécifiques : congés payés, formation continue, aide à l'installation du conjoint
Leur évolution professionnelle serait garantie par une carrière ouverte avec cinq possibilités : poursuivre son activité au même endroit, aller ailleurs avec le même statut, rejoindre une spécialité via un cursus allégé validé par examen, devenir praticien hospitalier, se reconvertir vers des fonctions administratives, juridiques ou libérales, tout en conservant la possibilité de revenir en médecine de proximité dans les sept ans.
Penser global, agir local. Une augmentation du nombre d'étudiants identifiés et aidés, la création d'un cursus spécifique de praticiens de proximité, et une coordination renforcée entre les acteurs de terrain sont essentielles. La restructuration du système de soins repose sur des valeurs partagées de responsabilité, de qualité et de solidarité.
Elle repose aussi sur la liberté du médecin d’exercer dans le lieu qu’il aura choisi, répondant aussi à l’aspiration profonde des jeunes souhaitant « faire » médecine, y compris pour ceux dont les parents n’en ont pas les moyens financiers, certains issus de déserts médicaux où ils souhaitent sans doute poursuivre leur vie au service des autres.
La clairvoyance et le courage, le sens du service public, l’éthique, la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, le serment d’Hippocrate, la dignité et le respect de chacun doivent tisser le fil d’Ariane qui nous fera sortir du Labyrinthe.
« Tes yeux ne verront que le malade », dit le serment d’Hippocrate affirmant avec une force inspirante l’égalité de tous aux yeux du médecin, faisant de notre fil d’Ariane le fil de Marianne.
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