Dans mon territoire, la situation médicale est simple : mon confrère a pris sa retraite il y a deux ans à l’âge de 65 ans, moi, il y a quelques semaines à 72 ans, et avec la défection de la gynécologue, il y a cinq ans, il n’y a plus le moindre médecin dans notre petite commune de 2 500 habitants. Néanmoins, cette commune est jointive avec celle de Maintenon où une maison médicale a été construite il y a cinq ans. Elle est restée fermée pendant une année entière, les exigences du maire en termes de loyers s’avérant exorbitantes et les locaux médicaux (17 m2, couloirs faisant fonction de salles d’attente, pas de parking à moins de 300 m) n’étant pas très attractifs…
Trois sur quatre des confrères déjà installés à Maintenon y ont pris place et deux nouvelles consœurs les ont rejoints, ce qui porte à six le nombre de généralistes pour un secteur qui comporte en sus des 6 000 habitants de l’agglomération, une multitude de petites communes rurales périphériques. Cerise sur le gâteau, l’une des consœurs exerçait auparavant dans une autre maison médicale située à une vingtaine de kilomètres, et est venue avec sa patientèle : elle ne prend pas de nouveaux patients. Moi, je n’en laisse que 1 300 sur le carreau, ayant progressivement divisé par deux mon activité sous la pression de ma famille. Le record de refus de nouveau médecin traitant chez mes ex-patients est détenu par un couple de Boigneville avec un chiffre de 85 : ils chassent maintenant dans le 78 où le gibier paraît aussi rare que dans le 28…
L’impact désastreux des décisions politiques
Oui, les erreurs gravissimes des énarques sur les études médicales, PASS, LAS et 4e année d’internat pour les généralistes en particulier, vont avoir un impact désastreux sur la profession. Et surtout les études telles qu’elles sont actuellement configurées ne peuvent certainement pas former des généralistes « prêts à l’emploi » dès leur sortie de ce parcours.
Raccourcir les études est sans doute possible mais il faut surtout en modifier le contenu et le distribuer de façon différente, selon le futur mode d’exercice. Pour les généralistes en insistant sur les aspects pratique et clinique. Deux obstacles : le premier, il n’est pas évident de savoir dès le début des études la discipline que l’on exercera ; le second, on peut s’attendre à de vives réactions des spécialistes hospitaliers et enseignants. Quant à la sélection, je rêve d’un concours en fin de première année, lequel porterait sur des places précises en termes de spécialité et de localisation : selon votre rang vous pouvez choisir parmi les places restantes, une place de généraliste rural à Pierres ou de cardiologue hospitalier à Chartres si disponible. Fin des déserts médicaux en quelques années.
Ne pas confondre sélectionner et former
J’ai longtemps cru qu’il ne fallait sélectionner que sur l’aptitude à raisonner : c’était une erreur. La capacité à enregistrer des données est elle aussi indispensable car le volume minimal à absorber est monumental, et cela doit entrer en ligne de compte dans la sélection comme dans la durée. Le problème essentiel des études médicales est qu’elles ne sont assurées que par des spécialistes hospitaliers alors qu’elles s’adressent non seulement à leurs successeurs mais aussi à un nombre considérable de généralistes libéraux : les recrutements de patients et leurs pathologies sont très différents. De même, le mode d’exercice dans chaque domaine. Après mes six premières années d’études à Lariboisière Saint-Louis, j’étais parfaitement incapable d’exercer la médecine générale qui était pourtant mon choix depuis le début. Trois années d’internat en CHR, assaisonnées de pas mal de remplacements de généralistes plus tard, c’était devenu sinon parfait du moins possible.
Raccourcir les études est sans doute faisable, en tout cas pour la médecine générale, à condition de modifier l’enseignement qui y est dispensé en privilégiant la clinique. Savoir interroger le patient de façon pertinente, écouter un cœur et des poumons, regarder des tympans, palper un ventre, examiner complètement un genou ou une épaule, chercher des adénopathies, interpréter un bilan biologique, démasquer une urgence, déterminer le moment où il faut adresser le malade à nos amis spécialistes, est essentiel. Connaître la totalité des maladies rares ou exceptionnelles dont le diagnostic sera établi de toute façon par le spécialiste, superflu.
Idéalement il faudrait différencier les études de généralistes et de spécialistes dès le début. Peut-être même proposer deux concours distincts en fin de première année, mais avec le même titre de Docteur en Médecine. Et sans doute recourir à des généralistes pour dispenser cet enseignement. Retraité depuis quelques semaines à 72 ans après 43 années de médecine générale rurale, j’y participerais volontiers et bénévolement. Cela dit je ne me fais aucune illusion…
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