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Dossier

SII, constipation, dyspepsies

De nouvelles pistes thérapeutiques pour la gastro de tous les jours

Par Hélène Joubert - Publié le 20/11/2015
De nouvelles pistes thérapeutiques pour la gastro de tous les jours

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Phanie

Syndrome de l’intestin irritable, constipation, dyspepsie… Le congrès européen de gastrologie (UEGW, Barcelone 24-28 octobre) a consacré une large place aux pathologies digestives « de tous les jours ». Avec plusieurs avancées thérapeutiques potentielles et une mini-révolution concernant les dyspepsies pour lesquelles l’implication d’Helicobacter pylori est désormais officiellement reconnue.

Avec une prévalence de 10 à 15 % en population générale le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un motif très fréquent de consultation en soins primaires vers l’âge de 30-40 ans, mais avec, au final, un soulagement modeste.

SII : le régime pauvre en FODMAPs fait ses preuves

Soignants et patients sont parfaitement conscients du rôle de l’alimentation, en quantité comme en qualité, dans la genèse des symptômes du SII. On ne compte plus les régimes d’exclusion testés sans réel succès. Néanmoins, très récemment, un régime alimentaire appauvri en différents sucres faiblement absorbés et fermentescibles (FODMAPs) s’est imposé comme un traitement de première ligne. « Les études sont de plus en plus convaincantes quant à l’implication des FODMAPs dans le SII », estime le Pr Frank Zerbib, gastro-entérologue (CHU de Bordeaux).

L’acronyme FODMAPs (Fermentable Oligo-,Di -, Mono-saccharides And Polyols) désigne les sucres fermentescibles par la flore intestinale : glucides comprenant le fructose (en excès par rapport au glucose), le lactose, les polyols, les fructanes et les oligosaccharides. Des sucres présents en grande quantité dans tous les aliments riches en blé, les légumineuses, certains légumes verts (artichaut, poireaux...), certains fruits (pommes, poires...), les plats cuisinés contenant du fructose, le miel, etc.

Selon leur type, les FODMAPs ne sont pas ou partiellement digérés et absorbés au niveau de l’intestin grêle. Une certaine quantité transite alors jusqu’au côlon, d’où une distension du gros intestin par un effet osmotique et une fermentation par la flore intestinale. Cette distension joue un rôle prépondérant dans les douleurs intestinales ou l’accélération du transit. « L’une des études fondatrices, poursuit le spécialiste, parue en 2014, montrait que 21 jours d’une alimentation pauvre en FODMAPs (procurée aux participants de l’étude) amélioraient la symptomatologie du SII. Environ 70 % des patients étaient soulagés, avec des scores symptomatiques diminués de moitié (ballonnements, douleur, évacuation des gaz et consistance des selles). »

Une étude présentée à l’UEGW 2015 a testé non plus une alimentation conçue par les auteurs de l’étude mais uniquement des conseils diététiques pour limiter les FODMAPs. L’effet a été positif dans la moitié des cas (RR : 1,51) sur l’ensemble des symptômes (douleur, borborygmes, ballonnements, flatulences, urgences, sensations d’évacuation incomplètes), leur sévérité ainsi que la consistance des selles. L’effet placebo, considérable dans le SII, a permis pour sa part une amélioration de plus de 35 %.
Des résultats qui confortent ce qu’avaient déjà constaté certains praticiens comme le Pr Zerbib qui donne depuis près de deux ans des conseils de réduction des FODMAPs à ces patients, dont certains, pourtant réfractaires, « ont été nettement améliorés ».

Un probiotique pour faire d’une pierre deux coups

C’était déjà démontré chez l’animal : le microbiote intestinal interagit en permanence avec le système nerveux entérique, lui-même connecté au système nerveux central. À Barcelone, une étude explorant la relation entre microbiote, axe cérébral et SII, a été la première à montrer un effet spécifique positif d’un probiotique – sur les symptômes anxiodépressifs des patients ayant un SII – vérifié à l’aide d’échelle d’évaluation et objectivé à l’IRM fonctionnelle cérébrale, mais aussi sur les symptômes du SII. Toujours concernant le rôle du microbiote dans le SII, une autre étude présentée au congrès a relié de façon forte des signatures microbiennes intestinales et la sévérité des symptômes du SII. Déséquilibre du microbiote (dysbiose) et sévérité des symptômes du SII semblent donc bel et bien liés..

L’éluxadoline, un espoir pour les SII avec diarrhée

Les recherches progressent aussi du côté de nouvelles molécules. La plus avancée est l’éluxadoline, un nouveau traitement qui vient d’obtenir l’agrément FDA (autorisation de l’EMA en attente) chez l’adulte dans le SII avec diarrhées (SII-D). Il s’agit d’un agoniste des récepteurs opioïdes μ et χ et d’un antagoniste des récepteurs opioïdes dont l’avantage est de ne pas (ou très peu) passer dans la circulation générale.

Des données de phase 3 présentées à Barcelone mettent en évidence un delta avec l’effet placebo d’environ 10 %, pour une efficacité rapide et prolongée, surtout sur la consistance des selles, tout en améliorant la qualité de vie. Des cas signalés de problèmes hépatobiliaires feront éviter sa prescription en cas de prise d’alcool et d’antécédents de cholécystectomie.

Une autre molécule (Ibodutant®) a été testée en phase 2 chez la femme, là aussi dans le SII-D. Les résultats de cet antagoniste des récepteurs NK2 à la neurokinine semblent intéressants sur les scores d’urgence. La phase 3 est en cours. 

Hélène Joubert