Des réponses attendues après 20 ans sans faire le point

Doubles recommandations pour la sarcoïdose

Publié le 27/05/2022
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Une recommandation et un consensus d’experts viennent faire le point sur la sarcoïdose, soulignant les progrès accomplis, mais révélant aussi le chemin restant, avec plusieurs questions en suspens faute d’avoir été suffisamment étudiées.
 Le syndrome parasarcoïdien n’est pas sensible au traitement du processus granulomateux

Le syndrome parasarcoïdien n’est pas sensible au traitement du processus granulomateux
Crédit photo : phanie

Le dernier « Statement on sarcoidosis » remontait à 1999 (1). Depuis, de nombreux progrès ont été accomplis, notamment sur la mortalité, la morbidité et la perte inacceptable de qualité de vie. Il était temps de réaliser de nouvelles recommandations conformes aux nouvelles exigences. Ce fut chose faite en 2021, avec deux publications, l’une sous l’égide de l’European respiratory society (ERS, 2) et l’autre sous celle de la British thoracic society (BTS, 3).

Morbimortalité mais aussi qualité de vie

Le but du traitement est double : réduire le risque de mortalité et de morbidité et atténuer la perte de qualité de vie. Plusieurs études ont récemment validé une surmortalité globale en cas de sarcoïdose (4-6), en raison avant tout d’une fibrose pulmonaire étendue ou d’une hypertension pulmonaire sévère (7-9) ou d’une atteinte cardiaque (10). La morbidité est quant à elle dominée par des insuffisances respiratoires, cardiaques, rénales ou hépatiques mais également des atteintes neurologiques (11) et des pertes de vision (12).

Une perte de qualité de vie peut résulter, de façon fréquente, d’un syndrome parasarcoïdien, responsable de fatigue parfois très invalidante, d’une altération de la concentration et de la mémoire en dehors de toute localisation cérébrale, de dépression ou d’anxiété, de douleurs diffuses articulaires et musculaires, d’une neuropathie des petites fibres. Ces troubles, non liés au processus granulomateux, ne sont pas accessibles aux traitements anti-sarcoïdiens. La prise en charge de la perte de qualité de vie et des symptômes est placée en priorité dans les attentes des patients (13).

Un niveau de preuves encore modeste

Les recommandations ERS ont été élaborées par quatorze experts internationaux reconnus, six méthodologistes et trois représentants de patients, selon la méthodologie Grade, notamment en confrontant les buts des essais ou des études de cohortes (publiés et de qualité suffisante) à ceux considérés comme critiques ou importants pour les recommandations par les membres du groupe de travail de l’ERS, à savoir l’efficacité et la sécurité des traitements.

Les recommandations BTS sont fondées quant à elles sur la concordance des experts et, même si c’est moins convaincant, elles apportent des réponses sur tous les points, notamment vis-à-vis des doses préconisées.

Huit questions Pico (patient, intervention, comparison, outcome) ont été considérées dans les recommandations ERS en cas de risque de mortalité ou de morbidité ou de perte inacceptable de qualité de vie, les autres patients faisant l’objet d’une surveillance. Sept de ces questions ont permis des réponses, graduées selon l’intensité (forte ou conditionnelle) de la recommandation et le niveau de preuve. Des recommandations ont ainsi été établies pour les atteintes pulmonaires, cutanées, neurologiques, cardiaques et la fatigue, mais pas pour la neuropathie des petites fibres.

Les corticoïdes restent le seul traitement de première ligne qui a fait ses preuves pour les atteintes pulmonaires, cardiaques, neurologiques ou dermatologiques.

Un traitement de deuxième ligne est envisagé en cas d’efficacité insuffisante, d’effets indésirables significatifs ou à titre d’épargne en corticoïdes. Le méthotrexate, donné en une prise hebdomadaire de 10, 15 ou 20 mg, le plus souvent per os, est celui pour lequel un niveau de preuve a pu être réuni pour le poumon, le système nerveux et la peau, mais pas pour le cœur, en l’absence d’étude.

En troisième ligne, l’infliximab (anti-TNFα), est proposé en cas de difficultés d’efficacité ou de tolérance avec les traitements de première et deuxième lignes.

Les recommandations BTS offrent des réponses complémentaires, non étayées par des preuves, sur des points importants, dont les doses à utiliser.

Une étape à poursuivre

Les recommandations devront être révisées régulièrement pour prendre en compte les nombreux essais en cours. Leur grand mérite aujourd’hui est d’avoir mis en évidence les « trous dans la raquette », à combler par des études.

Autre commentaire : le niveau de preuve, modeste, de ces recommandations, implique d’éclairer les patients et d’être plus à l’écoute de leurs attentes. Un point, non évoqué, est leur faible observance (60 % des patients atteints de sarcoïdose ne suivent pas intégralement les prescriptions). Il faut y être vigilant avant de changer de ligne de traitement. D’une manière générale, les traitements de la sarcoïdose sont très efficaces et un échec nécessite une enquête clinique exigeante par des médecins expérimentés.

Exergue : La prise en charge de la perte de qualité de vie et des symptômes est une priorité pour les patients

Inserm UMR 1272, Université Sorbonne Paris Nord, Groupe hospitalier Paris Saint Joseph, Paris et Hôpital Avicenne, Bobigny

(1) Am J Respir Crit Care Med 1999 Aug;160(2):736-55

(2) Baughman RP et al. Eur Respir J 2021 Dec 16;58(6):2004079

(3) Thillai M et al. Thorax 2021 Jan;76(1):4-20

(4) Rossides M et al. Eur Respir J 2018 Feb 21;51(2):1701815

(5) Jamilloux Y et al. Eur Respir J 2016 Dec;48(6):1700-9 

(6) Swigris JJ et al. Am J Respir Crit Care Med 2011Jun 1;183(11):1524-30 

(7) Walsh SL et al. Lancet Respir Med 2014 Feb;2(2):123-30 

(8) Kirkil G et al. Chest 2018 Jan;153(1):105-13 

(9) Jeny F et al. Respir Med 2020 Mar;77:37-45 

(10) Kandolin R et al. Circulation 2015 Feb 17;131(7):624-32 

(11) Joubert B et al. Jama Neurol 2017 Nov 1;74(11):1336-44 

(12) Seve P et al. Semin Respir crit Care Med 2020 Oct;41(5):673-88

(13) Baughman RP et al. ERJ Open Research 2018 Dec 21;4(4):00141-2018

Pr Dominique Valeyre

Source : lequotidiendumedecin.fr