Que cela soit pour eux une « simple formalité » ou au contraire la « grande inconnue », tous sont médecins généralistes et s’apprêtent à (re)partir à la bataille. Pourquoi se sont-ils engagés dans l’action municipale ? Et comment arrivent-ils à concilier patients et administrés? À trente jours du premier tour, « Le Généraliste » dresse le portrait de six médecins pas tout à fait comme les autres.
On est venu le « chercher », comme il aime à le préciser. À presque 69 ans, le Dr René Claverie n’en est pas à son premier coup d’essai. Maire pendant vingt-cinq ans de Lescar, commune d’environ 10 000 habitants située à dix kilomètres de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, le généraliste qui se présente « sans étiquette politique » a été battu par la gauche lors des dernières élections en 2008, mais il espère bien se faire élire à nouveau.
[[asset:image:761 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["\u0022Il faut donner beaucoup de sa personne et, surtout, n\u0027attendre aucun retour\u0022"]}]]Avec « Expérience et ambition pour Lescar » – nom de sa liste – , le Dr Claverie compte sur son « passé d’édile » pour gagner ces élections et « préparer la nouvelle génération à prendre le relais ». Installé depuis 1973 à Lescar, ce Béarnais d’origine avait concrétisé alors son rêve de devenir généraliste. « C’était une vocation depuis tout gamin. » Dix ans plus tard, en 1983, alors qu’il s’oppose au projet de l’Union de la gauche de supprimer l’école privée, son engagement politique plaît. « La mairie était à ce moment-là aux mains de la gauche et les responsables de l’opposition m’ont alors demandé si cela m’intéressait de me présenter, se rappelle-t-il. Le fait d’être médecin apportait, il est vrai, un certain crédit vis-à-vis de la population que je connaissais bien. »
La candidature du Dr Gérard Herbert (UMP), installé depuis 32 ans à Chauvigny, commune de 7 000 habitants dans la Vienne, a elle aussi été sollicitée. D’abord élu comme conseiller municipal, il est élu maire en 2002. « J’ai toujours été très impliqué dans la vie associative de ma commune. C’est vrai qu’en tant que médecin on voit beaucoup de monde », commente-t-il. Une profession qu’il voit plutôt comme un atout dans l’exercice de sa fonction de maire. « Au quotidien, je vois les problèmes que rencontrent mes patients. Etre médecin généraliste, c’est probablement le métier où l’on se rend compte le mieux de la vie des gens. Ces derniers se confient. Je dirais même qu’il y a une certaine complémentarité entre le fait d’exercer et d’être élu », assure le Dr Herbert.
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Un capital sympathie utile pour se faire élire
A plusieurs centaines de kilomètres de là, plus au Sud, c’est le candidat se présentant contre le maire sortant qui contacte, en 1989, le Dr Alain Chaléon alors que celui-ci n’était installé que depuis quatre ans à Cugnaux (Haute-Garonne), commune de 17 000 habitants située dans la banlieue de Toulouse. « Il est vrai qu’en tant que généraliste on est au centre de ce qui se passe dans la ville. On connaît les gens. Et puis nous sommes sans doute plus habitué à l’écoute attentive. C’est un atout », reconnaît le généraliste élu depuis 25 ans (4 mandats, dont deux d’adjoints de 1989 à 2001).
C’est sous le slogan « Pour une ville qui vous ressemble » que le Dr Yves Tavernier, installé depuis maintenant 13 ans à La Tremblade (Charente-Maritime), a décidé de se présenter aux prochaines élections municipales, se définissant républicain de droite sans appartenir à un parti. « En tant que médecin, on a quand même un certain capital sympathie, même si on se plaint de ne plus avoir l’aura d’antan », assure-t-il. Une chose est certaine cependant pour le généraliste : en cas d’élection pas question de laisser tomber son activité: « Je vais devoir faire quelques choix. Je consacrerai un peu plus de temps à la mairie mais je continuerai d’exercer ».
Si tous s’accordent à dire que leur statut de médecin a de toute évidence contribué à la concrétisation de leur candidature aux élections municipales, avoir une double casquette n’est pas toujours une mince affaire. Comme en témoigne le Dr Claverie qui reconnaît que « son engagement politique s’est fait au détriment » de sa vie privée.
Des emplois du temps de folie
Avec des emplois du temps déjà très chargés en tant que médecins généralistes, ces élus pas comme les autres sont souvent contraints de réduire d’un jour ou deux leur activité. Le Dr Herbert a ainsi choisi de consacrer entièrement la journée du jeudi à la mairie en « plus de deux à trois heures quotidiennes ». Des journées souvent très longues pour ce généraliste toujours aussi passionné. Pour le Dr Chaléon, cette fois tête de liste de l’opposition (Modem), tout est « question d’organisation ».
Même constat du côté du Dr Philippe Calléja, installé à Saverdun (Ariège), bourg de 4 800 habitants. Candidat à un troisième mandat, ce généraliste est depuis toujours très impliqué dans la vie associative de sa commune. Président du club de rugby depuis 1992, dans une région où ce sport est perçu comme une religion, la popularité du généraliste n’est plus à faire. C’est d’ailleurs avec les présidents des clubs de natation, de football et de tennis que le Dr Calléjà a présenté sa première liste aux élections municipales de Saverdun sans étiquette politique et qu’ils ont gagné ! Il est élu dans la foulée président de la communauté de communes du canton de Saverdun. Ce n’est qu’en 2002, au moment de sa création, que le généraliste rejoint l’UMP avant de devenir, par la suite, président de la fédération du parti au niveau départemental.
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Mélange des genres ?
« Quand j’ai commencé à prendre mes fonctions d’élu, c’est vrai que le métier de généraliste a présenté un énorme avantage : celui de la proximité avec les habitants. Tout le monde me connaît. » Egalement très investi dans sa profession de médecin généraliste, le Dr Calléja a créé avec son cabinet doté de quatre généralistes et d’un gynécologue un véritable « quartier médico-social » avec une maison de santé, un établissement pour accueillir des personnes handicapées et une maison sociale qui sera bientôt construite. Pas moins de 28 professionnels travaillent ainsi ensemble dans un périmètre géographique assez limité. Pour concilier « ses deux vies », le praticien a décidé de « rogner » sur son temps libre. Marié, père de deux enfants et trois fois grand-père, ce quinquagénaire assure « qu’il faut que la famille adhère si l’on veut pouvoir gérer correctement les deux activités ».
Au-delà de l’agenda avec lequel il peut parfois s’avérer difficile de jongler, les deux activités peuvent aussi contribuer au « mélange des genres ». Les patients voient-ils leur médecin dans son cabinet comme étant aussi le maire de leur commune ? Comment font-ils pour gérer les deux ? Déjà maire de Wissant (Pas-de-Calais) de 1977 à 1995, le Dr Jean-Pierre Coupin, qui a décidé de se représenter aux prochaines municipales, témoigne de son expérience passée. « J’ai toujours mis des barrages entre le cabinet et la mairie. Les rares fois où les deux se sont mêlés ont vraiment été anecdotiques ».
[[asset:image:781 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["\u0022J\u0027ai toujours mis des barrages entre le cabinet et la mairie\u0022"]}]]Avec son cabinet situé en face de la mairie, le Dr Chaléon reconnaît qu’il arrive parfois qu’« au cours d’une consultation les patients peuvent demander des choses relatives à la commune » mais « je veille à bien séparer mes deux activités », précise-t-il.
Une sensibilité santé
Sur les dossiers santé, avoir un maire généraliste, ça peut aussi aider ! Faciliter l’activité physique et les séances de prévention contre les addictions dans les écoles et collèges, sensibiliser « au bien manger »… Les initiatives en la matière ne manquent pas. Quoique n’ayant pas trop de pouvoir décisionnaire sur beaucoup des problématiques de santé – alors qu’ils y sont de plus en plus confrontés, notamment avec la désertification médicale – les maires de ces communes tentent tout de même à leur échelle d’y remédier.
[[asset:image:786 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["\u0022Nous sommes sans doute plus habitu\u00e9s \u00e0 l\u0027\u00e9coute attentive, c\u0027est un atout !\u0022"]}]]Avec le vieillissement de la population, ils doivent souvent faire face au problème de la dépendance. Un peu comme ils font dans leur cabinet, les édiles écoutent, prennent le temps de la réflexion, posent un diagnostic et prescrivent. à Saverdun, par exemple, d’importants investissements ont été réalisés pour la création de maisons de retraite. « Le médecin généraliste est évidemment très sensible à ces problématiques. Etre maire, écouter ses administrés et répondre à leurs besoins, cela correspond pour moi à la vision humaniste du praticien de campagne », souligne le maire de la ville. Une conception du métier partagée par le Dr René Claverie. « Il faut beaucoup donner de sa personne et surtout n’attendre aucun retour ». À méditer !
(lire aussi notre article : « Municipales : comment voteront les professions libérales »)