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DOULEUR CHRONIQUE ET COGNITION DES SENIORS

Publié le 09/06/2017
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Crédit photo : SPL/PHANIE

Selon une étude publiée dans le dernier Jama Internal Medicine (1), les douleurs chroniques accélèrent le déclin mnésique chez les sujets âgés et favorisent l’installation d’une démence des années plus tard.

Des études transversales avaient déjà montré l’association entre déficits cognitifs et douleurs chroniques. Les chercheurs de l’université de Californie à San Francisco sont toutefois les premiers à établir ce lien dans une étude longitudinale fondée sur l’analyse de données de santé de 10 065 participants de la cohorte américaine « Health and Retirement Study », vivant en milieu communautaire. À l’inclusion, tous étaient âgés d’au moins 62 ans en l’an 2000 (73 ans en moyenne, de sexe féminin dans 60 % des cas) et chacun d’entre eux a répondu à un questionnaire évaluant leurs niveaux de douleurs et de cognition. Interrogés deux fois par an, ils ont été suivis de 2000 à 2012. Au départ, 10,9 % des participants ont déclaré souffrir de douleurs persistantes qui les limitaient dans leur vie quotidienne. Un syndrome dépressif était fréquemment associé aussi.

► Au terme du suivi, l’analyse des scores a montré que souffrir de douleurs chroniques entraîne une chute plus rapide des tests mnésiques de 9,2 % dans les 10 ans par rapport aux seniors n’éprouvant pas de douleurs chroniques. Ce déclin cognitif serait associé à un risque accru de 15,9 % d’inaptitude à gérer son ordonnance et de 11,8 % d’incapacité à régir ses finances de manière autonome.

► En parallèle, la probabilité de développer une démence augmente de 7,7 % plus rapidement. Cela signifie qu’à 10 ans, un senior souffrant de douleurs chroniques aurait un risque de 2,2 % plus important de devenir dément. 

► Pour les auteurs de l’étude, compte tenu de la fréquence des douleurs chroniques chez le sujet âgé – un sur trois – la compréhension de leur lien avec les fonctions cognitives est tout à fait capitale pour préserver l’autonomie de cette population.

► Dans une réflexion associée à l’équipe de gériatrie de l’université de Californie, les chercheurs expliquent qu’il existe d’autres facteurs pouvant expliquer ce lien et induire potentiellement, de ce fait, des confusions. D’une part, les antalgiques, notamment opioïdes, peuvent altérer les performances cognitives des patients algiques. Et, d’autre part, l’expérience de la douleur en elle-même peut aussi compromettre les fonctions mnésiques et cognitives des sujets dans le sens où elle restreint les capacités attentionnelles. De même, la douleur déclenche la production d’hormones de stress bien connues pour leur rôle délétère sur la cognition. Malgré tout ces facteurs potentiellement confondants, les auteurs de l’étude maintiennent leurs conclusions statistiques et, selon eux, la douleur chronique chez le sujet âgé est bien un marqueur de déclin ultérieur des fonctions cérébrales.

1- Elizabeth L. Whitlock ; L. Grisell Diaz-Ramirez; M. Maria Glymour ; W. John Boscardin ; Kenneth E. Covinsky; Alexander K. Smith. JAMA Intern Med. Published online June 5, 2017. doi:10.1001/jamainternmed.2017.1622

Dr Linda Sitruk

Source : lequotidiendumedecin.fr