Endocrinologie

LE NODULE THYROÏDIEN

Publié le 15/04/2016
La moitié des patients de plus de 60 ans sont porteurs de nodules thyroïdiens. Le dosage de la TSH est l'examen phare qui oriente la suite des explorations. L'histoire familiale est importante.
nodule

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Michèle 72 ans, vient consulter car elle est très inquiète. Elle a vu son médecin traitant il y a quelques semaines car elle était très asthénique depuis plus de 3 mois. Son généraliste a évoqué le diagnostic de dépression (origine réactionnelle, décès récent du frère). Cependant, cette dernière a insisté pour effectuer des explorations en relation avec cette symptomatologie. Notre confrère s’est exécuté, et a demandé un bilan biologique tout à fait normal (TSH à 2,74 µU/ml pour une normale entre 0,25 et 4,5) ainsi qu’une échographie thyroïdienne. Cette dernière a permis de trouver un macronodule thyroïdien droit dont les dimensions sont de 28x15x18 mm (cf. cliché 1 et flèche jaune). Michèle vient pour programmer un traitement chirurgical de ce nodule qu’elle considère comme étant cancéreux..

 

ÉPIDÉMIOLOGIE

Les nodules thyroïdiens sont fréquents ; entre 4 et 5 % de la population présente des nodules cliniquement palpables. Les nodules infracliniques (découverts par échographie) sont retrouvés chez 50 % des patients de plus de 60 ans. Même si cette fréquence est importante, il faut savoir que moins de 10 % des nodules opérés sont associés à des cancers.
 

UNE STRATÉGIE CODIFIÉE

Trois recommandations (superposables) pour la prise en charge des nodules thyroïdiens ont été publiées : américaine (ATA 2009), européenne (ETA 2010), et française (SFE 2011). Elles permettent l'élaboration d’un organigramme dans la prise en charge de ces formations :

1- Le dosage de la TSH (Thyroid Stimulating Hormone) est l’examen phare qui va nous conduire à poursuivre les investigations suivant un rythme spécifique.

- Si le taux de TSH est élevé. Nous sommes dans le cadre d’une probable thyroïdite lymphocytaire. On réalisera alors une recherche des Ac anti-thyroperoxydase. Si ces derniers se révèlent négatifs, on complétera par les Ac anti-thyroglobuline. Le pourcentage de cancers dans ce cas reste très faible (2 à 4 % des cas).

- Si le taux de TSH est bas, on est en présence d’un nodule fonctionnel (10 % des cas), et on effectuera une scintigraphie thyroïdienne.

- Si le taux est normal (ce qui est souvent le cas), nous devrons effectuer d’autres explorations échographiques et éventuellement cytologiques pour déterminer ou non la malignité (qui est faible) des nodules.

2- Le dosage de la thyrocalcitonine. Il est réservé aux patients ayant des antécédents familiaux de cancer de la thyroïde, si le nodule est échographiquement suspectou avant une intervention chirurgicale pour extraire le nodule thyroïdien.

3- Le dosage de la thyroglobuline ne doit être effectué uniquement dans les cas de la recherche d’un cancer primitif non connu, ou dans le cas d’une pathologie métastatique d’emblée.

4- La scintigraphie thyroïdienne. Cette dernière est effectuée uniquement si la TSH est basse. Deux cas de figure sont alors observés : nodule hypofixant (10 % de cancers) ou hyperfixant, non cancéreux le plus souvent.

5- L’échographie. Elle permet de connaître le nombre de nodules, la taille, la morphologie, l’existence d’adénopathies satellite, mais aussi la souplesse. Depuis 2009, le compte rendu échographique s’est standardisé avec une évaluation du risque de malignité suivant le score TI-RADS (Thyroid Imaging-Reporting and Database System) (cf. encadré E1). La sensibilité pour le diagnostic de carcinome est élevée (supérieure à 95 %), et sa spécificité de 58 %. En effet, cette faible spécificité est due au fait que pour les stades 4A et 4B, le pourcentage de nodules malins est faible.

6- La cytoponction. Elle est effectuée lorsque le diagnostic échographique este incertain, lorsqu’il existe des antécédents familiaux de cancer de la thyroïde, pour les nodules de plus de 2 cm, si la thyrocalcitonine est élevée à deux reprises, en cas d’augmentation rapide de volume de plus de 20 % dans deux dimensions et de manifestations cliniques en faveur d’une compression, si une découverte de nodule hyperfixant par TEP scan est effective, s’il existe des manifestations cliniques inquiétantes (adénopathies et nodule ferme notamment).

La réalisation de cet acte est difficile, et doit être confiée à un praticien aguerri. On devra stopper les traitements anticoagulants, et les antiagrégants prescrits chez les patients une semaine avant le geste. Il est estimé que seuls 25 % de l’ensemble des nodules doivent bénéficier du geste de cytoponction. La stadification TI-RADS a permis de réduire ce chiffre de près de 30 % (la ponction est effectuée pour les scores supérieurs ou égaux à 4a). La proportion de carcinomes retrouvés suite à ce geste reste heureusement fiable (moins de 10 %).

En reprenant le cas de Michèle, nous avons effectué une nouvelle échographie qui a permis d’établir le score TI-RADS à 4A.

La première échographie avait permis de donner les dimensions de ce nodule qui étaient supérieures à 2 cm. En conséquence, du fait d’un score TI-RADS à 4A, et de la taille du nodule qui est supérieure à 20 mm, nous avons effectué une cytoponction par  un opérateur entraîné.

Cet examen a permis d’éliminer un processus malin et nous avons donc insisté pour que la patiente effectue régulièrement un contrôle échographique (tous les ans). En conséquence, Michèle ne va pas bénéficier d’un traitement chirurgical de son nodule thyroïdien, mais d’une prise en charge annuelle.

 

Dr Pierre Frances (médecin généraliste. 1 rue Saint Jean Baptiste 66650 Banyuls sur mer). Emma Burness (interne en médecine générale. Programme Hippokrates. Bristol. UK). Nicolas Perolat (externe 34000 Montpellier). Arthur Regnault (externe 30900 Nîmes).

Source : lequotidiendumedecin.fr