LA PROSTATITE AIGUË
Elle affecte 1 % des hommes au cours de leur vie (1). L’interrogatoire recherche des facteurs favorisants (réalisation récente de biopsies de la prostate, d’un sondage ou d’une endoscopie urinaire) ou des facteurs de risque (immunodépression, diabète).
→ Les signes cliniques
Le diagnostic est porté devant toute infection urinaire fébrile. L’intensité du syndrome septique est variable. L’alternance frissons/sueurs est habituelle. Les troubles urinaires sont d’intensité variable et affectent la vidange vésicale (dysurie) ou le stockage urinaire (pollakiurie, impériosités). Une hématurie transitoire est parfois constatée mais n’est pas fréquente et doit faire éliminer une pathologie vésicale (tumeur de vessie ou calcul). Il peut exister des douleurs pelvi-périnéales d’intensité variable. L’examen clinique recherche des signes de gravité (choc septique) ou des complications (rétention urinaire, épididymite associée). Le toucher rectal est douloureux et montre une prostate congestive.
→ Les examens biologiques
Le seul examen indispensable est l’examen cytobactériologique urinaire (ECBU), réalisé avant toute administration d’antibiotique. Il ne peut être remplacé par une bandelette urinaire, qui manque de fiabilité chez l’homme (valeur prédictive positive de seulement 50 %). Les examens sanguins mettent en évidence une inflammation aiguë (CRP élevée, hyperleucocytose) mais ne constituent pas des signes de gravité. L’étude de la créatininémie est un prérequis indispensable à l’administration d’aminosides parfois nécessaire à la prise en charge de formes graves en milieu hospitalier. La recherche d’une élévation du PSA est habituelle mais n’est pas indispensable au diagnostic (2).
→ Les examens morphologiques
Le seul examen utile en phase aiguë est l’échographie. Elle recherche une rétention urinaire, qui impose un drainage vésical. Le sondage vésical n’est plus une contre-indication formelle mais en cas de sepsis mal contrôlé, il est à écarter pour éviter le risque de décharge infectieuse. Il faudra alors privilégier la pose d’un cathéter sus-pubien.
→ Les critères d’hospitalisation
Un avis spécialisé urgent est indiqué si la prostatite fait suite à une biopsie de prostate, en cas de sepsis grave, de rétention urinaire, d’intolérance alimentaire (traitement oral et hydratation impossibles), de pathologie chronique décompensée (diabète).
→ Le traitement
• L’antibiothérapie est adaptée à l’écologie bactérienne le plus souvent incriminée (E. coli et bacilles gram négatif), au contexte de survenue (sonde à demeure, institutionnalisation, biopsies de prostate récente) et à la gravité (choc septique). Le diagnostic d’une IST est suspecté en cas de prostatite chez le sujet jeune (3).
Les fluoroquinolones (ciprofloxacine, ofloxacine, lévofloxacine) sont les antibiotiques à prescrire en première intention. L’antibiothérapie sera adaptée ensuite aux données de l’antibiogramme.
En cas d’allergie aux quinolones ou de biopsies de la prostate récente, un traitement par ceftriaxone ou cotrimoxazole (sulfaméthoxazole + triméthoprime) sera envisagé dans l’attente des résultats de l’antibiogramme. Un aminoside peut être associé en cas de forme grave traitée en milieu hospitalier.
• Le traitement comporte des antalgiques, des AINS et des alphabloquants en cas de douleur ou de gêne mictionnelle significative.
• Le drainage vésical est indiqué en cas de rétention urinaire. Un cathéter sus-pubien est la méthode de choix, mais un sondage vésical peut lui être préféré, notamment en cas de risque hémorragique (anticoagulants, hématurie) (4).
• Une réévaluation du traitement est faite à la 72e heure de traitement. L’antibiothérapie est adaptée aux données de l’antibiogramme. La persistance symptomatique doit faire suspecter un abcès prostatique qui sera recherché par échographie prostatique et évacué par drainage écho-guidé.
• La durée minimale de l’antibiothérapie est de 3 semaines et peut s’étendre jusqu’à 6 semaines, notamment après rechute. Un ECBU vérifie la stérilisation urinaire 2 à 4 semaines après la fin du traitement, avant réalisation d’un bilan urologique qui a pour objectif principal la recherche de facteurs favorisants (troubles mictionnels à traiter, hydratation insuffisante, sténose urétrale).
LA PROSTATITE CHRONIQUE
Ce syndrome regroupe l’ensemble des pathologies prostatiques chroniques d’allure inflammatoire.
Le mécanisme de survenue est mal élucidé (5). La prostatite chronique peut faire suite à une infection aiguë mal traitée, résulter de troubles mictionnels liés à une sténose de l’urètre, une obstruction cervicoprostatique qui occasionne un reflux urinaire intraductal à l’origine de l’inflammation. Le syndrome peut être associé à des troubles de relaxation musculaire pelvi-périnéale. Au final, il existe une dysrégulation neurovégétative pelvienne à l’origine de la douleur chronique.
→ Les signes cliniques
Les symptômes sont polymorphes et évoluent depuis plus de 3 mois, souvent de façon cyclique. Il peut s’agir de brûlures urinaires, de douleurs périnéales avec irradiation testiculaire, de troubles de l’érection, de douleurs à l’éjaculation, de troubles urinaires affectant la vidange ou le stockage. La fièvre ne fait pas partie du tableau clinique.
À l’opposé de la prostatite aiguë, le toucher rectal ne montre pas de congestion prostatique douloureuse, mais est souvent perçu comme inconfortable.
→ Les examens paracliniques
L’ECBU du 2e jet est le plus souvent stérile, mais il peut exister une leucocyturie. L’analyse peut être réalisée sur le 1er jet après massage prostatique en cas de suspicion d’infection chronique. Il convient de rechercher les germes banals et atypiques (IST).
L’échographie réno-vésico-prostatique mesure le volume prostatique et le résidu post-mictionnel. L’existence de calcifications prostatiques est fréquente bien que non spécifique. L’échographie élimine des pathologies vésicales qui peuvent partager des manifestations cliniques analogues (calculs de la vessie).
Un dosage du PSA est proposé après 50 ans dans le cadre du dépistage individuel du cancer prostatique.
La débitmétrie permet de suspecter une sténose urétrale dont le diagnostic sera confirmé par une cystoscopie.
Dans la majorité des cas, le bilan paraclinique est négatif (prostatodynie).
→ Le traitement
L’ensemble des symptômes doit être pris en charge (6) :
• mesures diététiques : limitation du thé, du café, des aliments épicés, du vin blanc, apport hydrique quotidien de 2 litres par jour,
• traitement des douleurs : antalgiques et/ou AINS selon l’intensité, physiothérapie, neuromodulation périphérique,
• traitement de la dysurie : alphabloquants, rééducation spécifique,
• traitement de l’anxiété et des conséquences de la douleur chronique : médicamenteux ou prise en charge psychologique.
La prostatite bactérienne chronique est traitée préférentiellement par fluoroquinolones pendant une durée prolongée de 6 semaines. Le choix de l’antibiotique dépend bien sûr du germe isolé sur la culture. En revanche, un traitement empirique prescrit malgré la négativité de l’ECBU a peu de chances d’être efficace.
CONCLUSION
La prostatite aiguë est d’origine bactérienne. La recherche de signes de gravité qui justifient une prise en charge hospitalière est systématique. Le traitement repose sur une antibiothérapie adaptée aux données bactériologiques pendant une durée de 3 semaines minimum.
La prise en charge de la prostatite chronique ne repose sur une antibiothérapie qu’en cas d’ECBU positif. Elle intègre avant tout des mesures diététiques, symptomatiques et fonctionnelles.
ORDONNANCE TYPE
Ciprofloxacine 500 : 2 comprimés par jour pendant 3 semaines (ne pas s’exposer au soleil pendant la durée du traitement, arrêter le traitement en cas de douleurs tendineuses, limiter la consommation de produits laitiers).
Paracétamol 1000 : 4 par jour pendant 7 jours.
Alfuzosine 10 LP : 1 le soir pendant 1 mois.
BIBLIOGRAPHIE
1. Kinghorn G.R., Abbott M., Ahmed-Jushuf I.,
Robinson A. J. BASHH survey of additional genitourinary medicine-targeted allocations in 2003 and 2004 Int J STD AIDS 2004 ; 15 : 650-652.
2. Bruyère F., Cariou G., Boiteux J. P., Hoznek A.,
Mignard J. P., Escaravage L., et al. Prostatite aiguë Prog Urol 2008 ; 18 (Suppl. 1) : 19-23.
3. Badalyan R., Fanarjyan S., Aghajannyan I. Chlamydial and ureaplasma infections in patients with non bacterial chronic prostatitis Andrologia 2003 ; 35 : 263-265.
4. Bruyère F, Faivre D’arcier B. Rétention aiguë
d’urine sur prostatite aiguë : sonde vésicale ou cathéter sus-pubien ? Prog Urol FMC 2009;19(4):F123–5.
5. Delavierre D., Rigaud J., Sibert L., Labat J. J. Approche symptomatique des douleurs « prostatiques » chroniques et du syndrome douloureux pelvien chronique Prog Urol 2010 ; 20 (12) : 940-953.
6. Pontari M. A. Etiology of chronic prostatitis/chonic pelvic pain syndrome: psycho-immunoneurendocrine dysfunction (PINE syndrome) or just a really bad infection? World J Urol 2013 ; 31 : 725-732.
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