Le cancer du col utérin est d’évolution lente. Son incidence et sa mortalité ont diminué pendant ces vingt dernières années grâce au dépistage cytologique et au traitement des lésions précancéreuses, associées à certains types de papillomavirus humains dits oncogènes qui peuvent être détectés par PCR ou hybridation moléculaire.
→ La détection de l’ADN d’un papillomavirus potentiellement oncogène est actuellement recommandée pour sélectionner, parmi les patientes avec des atypies malpighiennes ou glandulaires, de signification indéterminée en cytologie, celles qui nécessitent un examen colposcopique. Cette détection est utile aussi pour suivre les patientes qui présentent des lésions malpighiennes intra-épithéliales de bas grade sur la biopsie sous colposcopie. Sa place dans le dépistage primaire et après traitement d’une lésion malpighienne intra-épithéliale de haut grade est en cours d’évaluation.
→ Le vaccin anti-HPV nonavalent représente un moyen de prévention primaire efficace contre 90 % des cancers du col, du vagin et de l’anus.
UN CANCER D’ÉVOLUTION LENTE
Le cancer du col utérin correspond à un carcinome épidermoïde (malpighien) dans 90 % des cas et un adénocarcinome dans 10 % des cas. Cette pathologie connaît aujourd’hui environ 3 000 nouveaux cas diagnostiqués en France et 1 000 décès. 70 % des femmes qui développent ce cancer n’ont pas eu de dépistage ou l’ont eu de manière trop espacée. Dans 20 % des cas, elles ont eu un frottis mais n’ont pas eu un suivi approprié. Enfin, dans 10 % des cas, elles ont développé un cancer invasif en dépit d’un frottis régulier. Les objectifs du dépistage organisé en France sont donc d’augmenter la couverture de la population, d’améliorer les pratiques et de réduire les inégalités.
→ C’est un cancer d'évolution lente, précédé par des lésions précancéreuses appelées lésions malpighiennes intraépithéliales de haut grade et adénocarcinomes in situ. La lente évolution de ces lésions permet de dépister le cancer avant qu’il ne devienne invasif. Leur traitement entraîne une guérison sans risque de métastases.
Le dépistage des lésions précancéreuses se fait par la cytologie, qui classe les anomalies selon la terminologie de Bethesda 2014 (tableau 1).
– Les anomalies cytologiques des cellules malpighiennes bien définies sont classées soit en lésions malpighiennes intraépithéliales de bas grade (Low Ggrade Squamous Intraepithelial Lésion, LSIL) si ces anomalies affectent les cellules intermédiaires et superficielles correspondant à des koïlocytes (figure 1), soit en lésions malpighiennes intraépithéliales de haut grade (high grade squameux intraepithelial lésion, HSIL) si ces anomalies affectent des cellules de type basal (figure 2).
– Les anomalies cytologiques mal définies sont classées en atypies des cellules malpighiennes de signification indéterminée (ASC-US) ou ne permettant pas d’exclure une lésion intra-épithéliale de haut grade (ASC-H). Les anomalies des cellules glandulaires sont classées en adénocarcinomes in situ (figure 3) ou atypies des cellules glandulaires de signification indéterminée.
HISTOIRE NATURELLE D’UNE INFECTION À PAPILLOMAVIRUS
Les HPV sont des virus à ADN à double brin d'environ 7 900 paires de bases. Ces virus infectent le revêtement épithélial de la peau et de certaines muqueuses. Ce tropisme tissulaire se traduit par des interactions spécifiques entre le virus et sa cellule hôte, le kératinocyte.
→ In vivo, la réplication du génome viral et la formation de virions sont étroitement liées au déroulement complet du programme de différenciation des kératinocytes. Ceci explique pourquoi la réplication de particules virales in vitro n'a pas encore été obtenue dans les conditions de routine. En l'absence d'un tel système, le clonage moléculaire des génomes viraux à partir de l'ADN extrait de biopsies ou de prélèvements de cellules est une étape nécessaire à la caractérisation de ces virus et à la définition de leur pouvoir pathogène et de leur potentiel oncogène.
→ L'organisation génétique des HPV est caractérisée par l'existence d'un seul brin codant sur lequel ont été identifiés huit gènes ou exons dont les produits sont mis en jeu dans la réplication du génome viral (E1 et E2), dans la régulation de la transcription du génome viral (E2), dans l'immortalisation et la transformation cellulaire (E6 et E7) et dans la synthèse des protéines de capside des virions (L1 et L2).
→ Le rôle causal des HPV dans l’étiologie et la progression des lésions précancéreuses et des cancers invasifs du col utérin est bien établi. Si la plupart des HPV sont responsables de lésions cutanées et de muqueuses bénignes, certains parmi eux ont un rôle majeur dans la survenue du cancer du col (HPV à haut risque ou HPV-HR).
Le HPV est transmis par contact sexuel, le plus souvent lors des premiers rapports et c’est l’existence d’une infection persistante pendant au moins un an par un HPV à haut risque qui est considérée comme un facteur de risque de développer un cancer du col de l’utérus. L’histoire naturelle de ce dernier est le plus souvent l'aboutissement d'un processus se déroulant sur plusieurs décennies.
→ Plus de 200 génotypes ont été identifiés. Une quinzaine d’entre eux (les HPV 16, 18, 31, 33, 35, 39, 45, 51, 52, 56, 58, 59, 66, 68) sont mis en évidence dans les lésions de haut grade et sont considérés comme potentiellement oncogènes ou à haut risque (HPV-HR).
Le HPV 16 est le plus fréquent et est mis en évidence dans 50 à 60 % des lésions de haut grade. Une patiente infectée par un HPV 16 a un risque relatif de développer une lésion de haut grade 30 à 50 fois plus important qu’une femme qui ne présente pas d’évidence d’infection par un HPV. Il existe également de nombreux arguments expérimentaux qui montrent que les HPV associés aux lésions de haut grade interviennent dans toutes les étapes de la carcinogenèse et que les oncogènes E6 et E7 ont un rôle central dans ce processus.
L’expression des gènes E6 et E7 augmente au cours de la progression tumorale et les transcrits de ces gènes sont détectés dans les cancers invasifs. L’intégration du génome viral au génome cellulaire est observée dans la majorité des carcinomes invasifs. Cette intégration contribue à la dérégulation de la transcription des oncogènes viraux.
Les protéines E6 et E7 des HPV-HR interagissent, l’une avec la protéine p53 et l’autre avec la protéine pRB, qui jouent un rôle central dans la régulation du cycle cellulaire. La dégradation de la protéine p53, qui résulte de son interaction avec la protéine E6, entraîne une instabilité génomique. De plus, il existe des variants du HPV 16 qui sont associés à un risque plus élevé de persistance ou de progression.
→ Les HPV sont largement répandus dans la population normale, et on estime qu’au minimum 10 à 15 % des femmes sont infectées de manière latente. Si on les recherche de manière cumulative par PCR, on peut même les détecter chez 50 % des femmes, en particulier pendant la grossesse et on considère que 80 % des femmes jeunes sont infectées de manière transitoire avec une régression spontanée sans conséquence. Le portage viral est en général de durée transitoire (durée médiane de 6 à 25 mois). La persistance d’une infection HPV au-delà de 24 mois est considérée comme anormalement longue.
→ Seule une très petite proportion des femmes infectées par ces virus développe une lésion de haut grade. On connaît mal les mécanismes qui contrôlent les étapes clés de l’expression du potentiel oncogène des HPV que représentent le passage d’une infection latente vers une lésion de haut grade et la régression ou la progression des lésions de bas grade. Ces mécanismes s’exercent probablement à deux niveaux : la régulation intracellulaire de l’expression du génome viral par des protéines cellulaires et la réaction immunitaire dirigée contre les protéines virales. Des co-facteurs interviennent aussi pour favoriser le développement d’une lésion après une infection par un HPV-HR, comme l’immuno-suppression iatrogène ou acquise (virus HIV), l’usage du tabac, la contraception hormonale.
La protection vaccinale
• Le vaccin nonavalent incluant les HPV HR 16, 18, 31, 33, 45, 52, 58 est recommandé chez les jeunes filles de 11 à 14 ans et les garçons homosexuels ou bisexuels. Dans le cadre du rattrapage vaccinal, la vaccination est également recommandée pour les jeunes filles et les jeunes femmes entre 15 et 19 ans révolus. Ce vaccin protège contre 90 % des cancers invasifs du col et 80 % des lésions précancéreuses (voir infographie).
INDICATIONS CLINIQUES DE LA DÉTECTION DE L’ADN D’UN HPV
Prise en charge d’un frottis anormal
La détection de l’ADN d’un HPV est recommandée pour trier, parmi les patientes avec un diagnostic cytologique, d’atypies malpighiennes ou glandulaires mal définies, celles qui nécessitent un examen colposcopique. L’objectif de ce test est de détecter dans ce groupe de femmes celles qui ont une infection par un HPV-HR et qui sont à risque d’avoir ou de développer une lésion de haut grade. Le test virologique peut être effectué sur le matériel résiduel d’un frottis en milieu liquide, ce mode de prélèvement permet de faire un étalement des cellules en couche mince ou monocouche par un processus de centrifugation ou de filtration. Cette méthode permet de faire le test virologique sur une partie du matériel prélevé pour la cytologie et évite une deuxième visite.
Les patientes avec un test virologique positif ont une colposcopie. Après une virologie négative, il est recommandé de refaire le frottis tous les 3 ans.
Le test HPV n’est pas recommandé en première intention après un diagnostic cytologique de LSIL, car ce test est positif dans plus de 80 % de ces lésions. Il permet par contre de suivre une patiente qui a des biopsies négatives ou une lésion malpighienne de bas grade après une colposcopie satisfaisante.
Le diagnostic cytologique d’une lésion de haut grade (HSIL) ou d’un ASC-H sur un frottis fait pratiquer une biopsie sous colposcopie. Le test HPV sera probablement bientôt recommandé en France pour le suivi des patientes après conisation pour détecter la persistance ou la récidive d’une lésion après traitement.
Dépistage primaire
Dans le cadre du dépistage systématique des précurseurs du cancer du col utérin, la détection de l’ADN d’un HPV-HR a été proposée.
→ La sensibilité de la virologie est supérieure à la cytologie pour dépister les patientes ayant une lésion de haut grade. L’absence de détection d’un HPV-HR est associée à un faible risque d’avoir ou de développer une lésion précancéreuse du col et a une valeur prédictive négative très élevée. Elle permettrait d’espacer l’intervalle de dépistage à 5 ans, améliorant le coût-efficacité du dépistage du col.
→ La spécificité de la virologie est moins bonne que celle de la cytologie. La détection d'un HPV-HR ne signifie pas la présence d'une lésion clinique, et d’autres examens sont nécessaires pour différencier les infections latentes de celles associées à une lésion. La fréquence des infections latentes ou transitoires est importante chez les femmes avant 30 ans. Dans le contexte d’un dépistage, une approche virologique chez des patientes jeunes conduirait à examiner un nombre important de femmes sans lésion décelable par la cytologie ou la colposcopie.
Chez les femmes après 30 ans, la persistance d’une infection par un HPV-HR est un facteur de risque significatif d’avoir ou de développer une lésion. La prise en charge la plus adéquate en cas de test virologique positif et de cytologie négative serait de répéter le test de détection d’un HPV à un an pour évaluer la persistance de l’infection. La HAS travaille sur le dépistage primaire par le test HPV.
Bibliographie
1- Arrêté du 4 mai 2018 relatif à l'organisation du dépistage organisé du cancer du col de l'utérus. Journal Officiel 2018;6 mai.
2- Abramowitz L, Lacau Saint Guily J, Moyal-Barracco M, Bergeron C, Borne H, Dahlab A, et al. Epidemiological and economic burden of potentially HPV-related cancers in France. PLoS One 2018;13(9):e0202564.
3- European Commission, International Agency for Research on Cancer, World Health Organization, Anttila A, Arbyn M, de Vuyst H, et al. European guidelines for quality assurance in cervical cancer screening. Supplements. Second edition. Luxembourg: European Union; 2015.
4- Haute autorité de santé. Gardasil® 9 (vaccin papillomavirus 9-valent). MSD Vaccins. Avis d'efficience. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2017.
5- Haute autorité de santé. évaluation de la recherche des papillomavirus humains (HPV) en dépistage primaire des lésions précancéreuses et cancéreuses du col de l’utérus et place du double marquage immuno-histochimique (p16/Ki67). Feuille de route. Saint-Denis La Plaine: HAS; 2017.
6- Institut national du cancer. Conduite à tenir devant une femme ayant une cytologie cervico-utérine anormale. Thésaurus. Recommandations et référentiels. Boulogne Billancourt: Inca; 2016. http://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publica…
7- Ronco G, Dillner J, Elfström KM, Tunesi S, Snijders PJF, Arbyn M, et al. Efficacy of HPV-based screening for prevention of invasive cervical cancer: follow-up of four European randomised controlled trials. Lancet 2014;383(9916):524-32.
Liens d'intérêts
Consultables sur www.transparence.sante.gouv.fr.
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