Éducation thérapeutique

SMS POUR PERFECTIONNER L'OBSERVANCE : « LOL » ?

Publié le 22/04/2016
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L'adhérence peut-elle être améliorée par des SMS de rappel ? L'essai présenté ici est probant, mais son impact doit être atténué par ses nombreux biais méthodologiques.
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Textos pour améliorer l’adhérence médicamenteuse des patients atteints de maladie chronique : méta-analyse
Thakkar J, Kurup R, Lea Laba T et al. Mobile telephone text messaging for medication adherence in chronic disease : a meta-analysis JAMA Intern Med 2016 ; 176:340-9.

CONTEXTE

L’adhérence aux traitements est l’appellation moderne de l’observance. Ce terme fait référence au concept d’implication active du patient dans son traitement, alors que l’observance a une origine plus liturgique : « Loi prescrivant l’accomplissement de pratiques rituelles et l'obéissance à Dieu ». La mauvaise adhérence est une des principales causes d’échec thérapeutique. Par exemple, parmi les patients atteints de FA à haut risque d’AVC recevant un anticoagulant, la moitié d’entre eux arrête le traitement dans l’année (1) et, parmi ceux qui persistent, la moitié ne prend pas la posologie prescrite correctement (2), ce qui double le risque d’AVC et d’embolie pulmonaire (3). Enfin, une revue Cochrane a montré que les essais d’intervention visant à améliorer l’adhérence des patients étaient difficiles à mettre en œuvre, complexes, méthodologiquement fragiles et majoritairement négatifs (4).

OBJECTIF

Mesurer l’impact des SMS sur l’adhérence médicamenteuse des patients atteints de maladie chronique.

MÉTHODE

> Méta-analyse des essais randomisés ayant testé l’impact des SMS sur l’adhérence des patients. Le double insu n'est pas possible dans ce type d’étude. Les essais pertinents ont été recherchés dans les bases bibliographiques internationales et leur qualité (risques de biais) a été indépendamment évaluée par deux chercheurs à l’aide de l’outil Cochrane.

Pour être retenus, les essais devaient avoir inclus des malades chroniques suivis pendant au moins 12 semaines et randomisés en réception de SMS ou prise en charge habituelle. Le critère de jugement principal était l’adhérence des patients selon la définition établie dans chaque essai.

L’outil de mesure de l’adhérence était le pilulier électronique, le comptage des comprimés ou la déclaration des patients. Les odds-ratios (OR) de chaque essai ont été calculés puis poolés à l’aide d’un modèle à effet aléatoire. La taille d’effet (effect size) a été calculée à l’aide de l’outil de Cohen. Avec cet outil qualitatif, un résultat = 0,2, 0,5 ou 0,8 correspond respectivement à une taille (quantité) d’effet faible, moyenne ou Importante.

RÉSULTATS

> La recherche bibliographique a répertorié 1 987 publications parmi lesquelles 16 essais randomisés (dont 9 en Afrique) ont été retenus et inclus dans la méta-analyse regroupant 2 742 patients âgés en moyenne de 39 ans. 50,3 % étaient des femmes. 6 essais concernaient le traitement du VIH, 5 les maladies ou facteurs de risque CV, 2 l’asthme et 1 le diabète de type 2, la rhinite allergique et l'épilepsie. L’adhérence a été mesurée par déclaration des patients dans 9 essais, par le pilulier électronique dans 4 essais et par le comptage des comprimés dans 3 essais. Trois types de textos ont été utilisés : personnalisés [5 essais], standardisés quotidiens [3], ou interactifs, les patients pouvant ou devant échanger avec l’expéditeur [8 essais].

> Le taux de patients ayant amélioré leur adhérence a été multiplié par 2 dans le groupe SMS vs pas d’intervention : OR = 2,11 ; IC95 % = 1,52-2,93, p < 0,001 avec un effect size à 0,41 (moyen faible). Les résultats étaient à peu près les mêmes quelle que soit la nature des messages et celle de la pathologie chronique. En restreignant l’analyse aux 6 essais de bonne qualité sur 16, l’amélioration était moins nette : OR = 1,67 ; IC95 % = 1,21-2,29, p < 0,002.

COMMENTAIRES

Cette méta-analyse originale avait pour objectif de mesurer l’impact des nouvelles technologies de communication sur l’adhérence des patients atteints de maladie chronique. Si ses résultats satisferont les fabricants de smartphones, il faut les considérer avec la plus extrême précaution.

> L’hétérogénéité des essais était très importante (I2 = 67 %), ce qui rend leur méta-analyse périlleuse car elle a mélangé des ingrédients a priori incompatibles. Sur les 16 essais inclus, 10 étaient à haut risque de biais, ce qui ne peut qu'aboutir à une méta-analyse à très haut risque de biais, car ces derniers se multiplient. Dans 9 des 16 essais, la mesure de l’adhérence a été faite sur les déclarations des patients, ce qui est rédhibitoire en l’absence de double insu. La tendance des patients qui se savent surveillés est de surévaluer leur propre adhérence (5). Intervenir pendant 12 semaines pour améliorer l’adhérence dans les maladies chroniques n’a pas beaucoup de sens. Que se passe-t-il quand la stimulation électronique disparaît ? Enfin, démontrer une amélioration de l’adhérence sans s’intéresser à l’amélioration de la santé des patients sur des critères intermédiaires ou cliniques importants pour eux est une curieuse conception de la recherche qui devrait être centrée sur le patient plus que sur le smartphone.

> En pratique, si une start-up vous propose d’améliorer (contre rémunération) l’adhérence de vos patients à l’aide de textos en vous montrant cette méta-analyse publiée dans une revue prestigieuse, ne dépensez pas le moindre euro.

 

Dr Santa Félibre (Généraliste Enseignant)

Source : lequotidiendumedecin.fr