LE QUOTIDIEN : Quel regard portez-vous sur la dégradation financière des établissements hospitaliers ?
ARNAUD ROBINET : Tous les voyants restent au rouge avec un déficit historique de près de 3 milliards d'euros pour le public. Le risque est clair, c'est celui d'un retour en arrière, d'une situation plus dégradée qu'à la veille du Covid. Pour autant, parce qu'il faut être aussi objectif, la FHF a salué le fait que le gouvernement ait apporté un soutien franc aux activités les plus en souffrance à la suite de notre demande.
Pour rappel, la FHF a montré dans son baromètre annuel que la reprise reste difficile pour plusieurs activités comme la cardiologie, le digestif, la neurologie et la rhumatologie. Également pour la pédiatrie, les soins palliatifs, les transplantations et les greffes qui souffrent d’un sous-financement structurel. Enfin, s’agissant de la campagne tarifaire, même si la revalorisation des tarifs reste bien en deçà de la hausse tendancielle des dépenses, la ventilation par activité montre une volonté d’accompagner le début de reprise qui se manifeste depuis un an.
Selon vous, 100 % des Ehpad publics pourraient être en déficit en 2028…
Effectivement, sachant que sept Ehpad sur dix sont en déficit en 2024. On constate un déficit cumulé de l'ordre de 2 milliards d'euros depuis 2022. Le soutien doit se poursuivre sans relâche et c’est pourquoi lors de SantExpo, la FHF va plaider pour une logique de programmation pluriannuelle, comme cela se fait déjà pour la défense et la justice. On travaille le sujet depuis plus d’un an. On remettra aux ministres de la Santé Catherine Vautrin et Yannick Neuder cette loi de programmation pour nous permettre d’avoir une visibilité pluriannuelle, sur cinq ans, pour l’ensemble du système de santé. Nous sommes à deux ans d’une élection présidentielle. Quelque part, notre projet peut servir de base pour un programme porté par un candidat à l’Elysée.
En matière de ressources humaines, que préconisez-vous pour redonner de l’attractivité aux métiers de l’hôpital ?
Nous constatons des progrès constants depuis deux ans sur les vacances de poste et l'absentéisme, sujet sur lequel nous présenterons les conclusions d’une enquête à la rentrée. Nous sommes en train de réaliser une enquête sur le sujet qui sera présentée à la rentrée.
Quand on parle de fidélisation et d'attractivité, il est évidemment question de rémunération. La FHF soutient les démarches engagées de meilleure valorisation des exigences du service public, dont la permanence des soins fait partie. Nous avons salué la réévaluation de la rémunération des gardes les week-ends et jours fériés, décidée en 2023. La réévaluation des astreintes est en cours pour une application en novembre 2025. C’est essentiel, d’autant que toutes les mesures annoncées dans le cadre du Ségur de la santé (par Olivier Véran en 2020) n'ont pas été totalement compensées par l'État, et de ce fait, cela pèse sur le budget des hôpitaux.
Ce contexte budgétaire est aussi difficile à gérer pour les directeurs d’hôpitaux. Ce métier est-il toujours attractif ?
Oui, j’en ai l’impression. Je constate que cette vocation existe encore. J’observe une certaine résilience chez eux, mais pas de démotivation. Pour autant, il est clair que les directeurs tirent la sonnette d'alarme par rapport à la situation budgétaire de leur établissement et son impact sur les ressources humaines et les embauches. Ils s’inquiètent aussi des conséquences en matière d’investissement. Nos établissements ont besoin d'investir non seulement pour concurrencer le privé, mais surtout pour améliorer les conditions de travail des agents hospitaliers et l'accueil des patients. Il faut que l'hôpital public devienne un hôpital 3.0 aujourd'hui, c’est-à-dire dire qu'il doit répondre à la fois aux attentes des usagers, des patients et des professionnels de santé.
À quoi doit ressembler cet « hôpital 3.0 » ?
Il doit relever le défi du changement climatique. Des changements de pratiques doivent être instaurés dans les établissements, et ça se fait déjà. Des investissements sont attendus en matière de cybersécurité. Il est primordial de garantir la sécurité des données de santé des patients. Enfin, on ne peut occulter l’émergence de l’intelligence artificielle, un outil que nos établissements devront adopter. Il faudra être acteur et non pas seulement observateur parce que l’IA concerne aussi bien la gestion des ressources humaines que les nouvelles pratiques médicales.
SantExpo en chiffres
Organisé par GL events exhibitions pour le compte de la Fédération hospitalière de France (FHF), le salon SantExpo accueille cette année plus de 700 exposants, 30 000 participants, près de 550 intervenants pour plus de 250 prises de parole. Sont prévus neuf villages et agoras thématiques, 15 conférences de la FHF et huit parcours experts. Six thèmes majeurs sont mis en avant : la prévention, les ressources humaines, la santé des femmes, la transformation écologique, le vieillissement de la population et l’innovation. Les violences sexistes et sexuelles feront aussi l’objet de débat. Se tiendront plusieurs conférences sur l’attractivité et la fidélisation des soignants. Le ruban sera coupé le 20 mai à 10 heures par les ministres Catherine Vautrin et Yannick Neuder. La conférence inaugurale sera tenue dans la foulée par le président de la FHF Arnaud Robinet. Les ministres Charlotte Parmentier-Lecoq (personnes handicapées) et Laurent Marcangeli (Fonction publique) seront aussi présents au salon.
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