« Faites nous rêver et unissez-vous ! » : à Bordeaux, le patron des Généralistes-CSMF se frotte aux médecins de terrain

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Publié le 28/05/2019

Venu à Bordeaux dialoguer avec les médecins généralistes et cadres aquitains, le Dr Luc Duquesnel, président des « Généralistes-CSMF », a rencontré des militants engagés, en quête d’idées claires et de combats à partager avec la base, en particulier par les jeunes médecins.

Certains ont mis les pieds dans le plat. « Je suis effondré par la dévalorisation de la médecine générale et par le syndicalisme, lance d'emblée le Dr Nicolas Brugère, généraliste bordelais, adjoint au maire chargé de la santé. Je suis à la CSMF depuis 35 ans, et malheureusement nous n’avons pas su construire un syndicat qui attire les jeunes. Il n’y en a aucun ce soir ! L’heure est pourtant à l’union de tous les syndicats pour travailler à revaloriser la médecine générale. »

Venu à Bordeaux, en cette soirée de mai, pour confronter le projet politique du syndicat aux médecins aquitains, le Dr Duquesnel a souligné le chemin parcouru ces dernières années et la nécessité pour les médecins de s'emparer eux-mêmes de la réorganisation territoriale. « La médecine générale était une sous-spécialité, aujourd’hui le généraliste est le chef d’orchestre du parcours de soins. Pour la première fois, les porteurs de projets ont les moyens de mettre en place de nouvelles organisations. Et si on ne bouge pas, d’autres le feront à notre place », a-t-il plaidé. 

Quel avenir proposons-nous ?

Convaincus de la stratégie tracée vers une médecine mieux coordonnée autour de nouvelles organisations territoriales – dont les CPTS – les généralistes aquitains semblent en revanche parfois éloignés de certaines évolutions tarifaires, comme le codage des actes « hors C et V » (première visite en EHPAD, sorties d’hospitalisation…) « Cela peut représenter jusqu’à 20 % de chiffre d’affaires en plus », argumente le Dr Luc Duquesnel. Mais ici, peu de médecins semblent se saisir de toutes les possibilités autorisées par la nomenclature.

Les déserts médicaux sont une autre problématique sensible. « 10 % seulement des généralistes formés s’installent rapidement en libéral, pourquoi ? Quel avenir leur proposons-nous ? Que fait la CSMF ? », interpelle un généraliste dans la salle. L’exercice coordonné, collégial et pluridisciplinaire, est une réponse partagée, mais « il faut aussi donner envie par des mots » et des combats syndicaux identitaires. Peut-être font ils défaut aujourd'hui... 

De l'avis général, l’intégration du samedi matin aux horaires de la permanence des soins pourrait améliorer les conditions d’exercice (avec les majorations d'honoraires associées). En la matière, des initiatives locales existent mais les praticiens aquitains veulent des signaux clairs. « Sur la PDS, nous ne voulons pas d’arrangements départementaux mais un combat national ! », résume l'un d'eux.  

Chacun se retrouve dans la défense du généraliste face à la montée en puissance du rôle des pharmaciens. « Si on les paie pour ouvrir le DMP, il faudrait nous rémunérer pour le remplir. Et ils n’expliquent pas toujours leurs droits au patient », grince un médecin. « Dépistage, vaccination, diagnostic au coup d’œil, à quand l’accouchement en pharmacie ? », tacle le Dr Luc Duquesnel.

Trop de chiffres... 

La salle s’est parfois un peu perdue lors de la présentation détaillée du projet conventionnel sur les assistants médicaux. « Trop de chiffres », « usine à gaz »... Il faudra faire preuve de pédagogie pour convaincre la profession de la pertinence du dispositif et de son financement. Quant aux contreparties réclamées en termes de hausse d'activité, « cela ne fait pas rêver », assène Nicolas Brugère qui se demande « comment attirer des jeunes avec ça, c’est une prime pour une médecine d’abattage ». 

Les médecins aquitains ne remettent nullement en cause tout le travail syndical accompli mais la réforme des assistants en l'état ne les convainc pas. Les cadres l’assimilent même à de la « cogestion » avec la CNAM alors qu’ils voudraient un discours plus fort, si possible intersyndical, pour la défense de la médecine générale : « Unis, nous gagnons tous nos combats, divisés nous perdrons ». Cette frustration traduit-elle une peur du changement ? « Je crois que c’est plutôt, la peur de se faire avoir davantage... », ironise ce médecin de famille girondin.

Reste la question des médecins à exercice particulier, déçus du manque de temps pour aborder leur exercice spécifique et l’avenir de l'homéopathie. Tonique, la réunion bordelaise s’est terminée vers minuit, preuve que le dialogue syndical demeure bien vivant... 

De notre correspondant  Patrice Jayat

Source : lequotidiendumedecin.fr