Après l'émoi des pharmaciens sur la question de la distribution de médicaments en ville, c'est la biologie médicale qui s'inquiète des recommandations d'ouverture et de libéralisation de l'Autorité de la concurrence
Dans son rapport début avril, l'Autorité déplorait le « différentiel de compétitivité » du marché de la biologie, dans un contexte où des opérateurs étrangers s’imposent en France, auquel il convient de remédier.
Première constatation de la juridiction : la détention du capital des sociétés d'exercice libéral (SEL) de biologie médicale est un système « asymétrique ». La majorité du capital et des droits de vote des laboratoires doivent être détenus par des biologistes y exerçant mais des laboratoires implantés avant la réforme de 2013 bénéficient d'un régime dérogatoire. Le marché est ainsi partagé entre quelques grands acteurs bénéficiant d’un ancien régime dérogatoire favorisant leur croissance externe et « des centaines de petits laboratoires entravés dans leurs capacités de développement », peut-on lire. Le remède de l'Autorité de la concurrence est… d’ouvrir « totalement » la participation au capital des laboratoires de biologie médicale privés (LBM) aux investisseurs non-biologistes, ou a minima, de relever le plafond de participation (fixé à 25 %) tout en assurant « une stricte indépendance professionnelle du biologiste ». La profession redoute un nouveau pas vers la financiarisation.
Ristournes
La sous-traitance entre laboratoires est également dans le viseur de l'Autorité. Actuellement, un laboratoire peut déléguer ses échantillons à un autre (pour analyse), sans excéder 15 % du total des examens réalisés par année civile. Or, l'enquête « n’a pas fait ressortir de risques particuliers quant à la qualité des résultats rendus en sous-traitance, l’accréditation permettant de contrôler ce type de risques », expose l'Autorité de la concurrence. Elle propose de lever cette barrière de la sous-traitance.
Enfin, l'Autorité de la concurrence veut doper la concurrence par les prix. Lorsqu’un établissement de santé émet un appel d’offres, les laboratoires privés ne peuvent pas proposer des remises sur les tarifs et doivent se différencier sur d’autres critères, tels que les délais de rendus. Ils ne peuvent pas non plus accorder de remises lorsqu’ils réalisent une analyse dans le cadre d’une sous-traitance. Cette interdiction des ristournes ne trouve aucune justification dans le cadre de relations entre professionnels qui sont à même d’évaluer la qualité des prestations, pointe le rapport. « Il pourrait être envisagé d’autoriser les remises tarifaires pour rétablir l’égalité entre laboratoires privés et publics dans les appels d’offres », suggère l'Autorité.
Menace sur les petits plateaux techniques
Depuis quelques jours, les réactions se multiplient parmi les représentants de la profession qui regrettent que la biologie soit assimilée à un marché de services. « La santé n’est pas un bien de consommation, résume le Syndicat des biologistes (SDB). Il est difficilement compréhensible que les cotisations des Français aillent alimenter des fonds de pension, via des holdings de laboratoires dont le siège étranger permet de l’optimisation fiscale. » Pour le SDB, si ces préconisations sont suivies, des centaines de plateaux techniques – qui traitent entre 1 000 et 5 000 prescriptions par jour – pourraient disparaître.
Le Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SJBM) salue la volonté affichée de renforcer l’indépendance des biologistes médicaux mais pointe un « paradoxe » avec la préconisation d'ouvrir le capital aux financiers. « Quid des conséquences de la mise en place de monopoles dans le domaine de la santé ? Et du rapport de force avec la CNAM dans les négociations lorsqu’il restera trois acteurs nationaux ? », questionne le syndicat de jeunes, qui craint une concentration à marche forcée.
Le Syndicat national des médecins biologistes (SNMB) n'est pas moins tendre. « Autoriser les ristournes pour tous les laboratoires, c'est considérer les examens de biologie médicale comme des marchandises, ce qui est inacceptable pour des actes médicaux aux tarifs fixés conventionnellement », estime le syndicat, qui craint « une concurrence sauvage » et, à la clé, une baisse de la qualité et du service rendu.
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne