Deux mois et demi après la publication des résultats des épreuves de vérification des connaissances (EVC) 2024, concours qui constitue la première étape du processus de régularisation des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), la colère reste vivace chez leurs représentants. Ces derniers n’ont pas digéré la suppression d’environ 20 % des postes initialement ouverts et fixés par arrêté ministériel dans le cadre du concours. Si bien que l’association Ipadecc appelle à la mobilisation, place des Invalides à Paris, le 30 avril à partir de 13 h 30, pour réclamer une « une validation juste, transparente et immédiate » des praticiens ainsi que « la reconnaissance de (leurs) années d’engagement ».
Au-delà de la suppression de postes, plusieurs syndicats ont maintes fois alerté le gouvernement sur les difficultés rencontrées par les lauréats à être affecté à un poste considéré comme « validant ». Dans un arrêté daté du 11 avril et publié au Journal officiel du 18 avril, le ministère de la Santé dévoile la liste des lauréats aux EVC 2024 qui ont, à date, été affectés à un poste. On y découvre alors que plus de 85 % des candidats déclarés lauréats sur liste principale au concours ont trouvé un poste via une plateforme d’affectation en ligne gérée par le Centre national de gestion (CNG).
D’une spécialité à l’autre, les taux d’affectation sont cependant variables. Ainsi, si tous les lauréats en anesthésie-réanimation ont trouvé un poste, seule la moitié des candidats lauréats aux EVC en chirurgie thoracique et cardiovasculaire ont été affectés dans un établissement. En tout, plus de 400 Padhue, pourtant déclarés lauréats lors du concours restent sur la touche. Or ils ne disposent que de six mois pour être affectés à un poste. Passé ce délai, ils perdront le bénéfice d’être lauréat au concours.
Une large majorité de Padhue affectés dans les centres hospitaliers
Mais le parcours du combattant ne s’arrête pas à l’affectation à un poste. D’après la Fédération des praticiens de santé (FPS) et le syndicat SOS Padhue, environ un tiers des postes proposés sur la plateforme d’affectation du CNG ne seraient pas « validants ». Ces estimations, réalisées par leurs propres moyens, démontrent que des lauréats des EVC peuvent être affectés à un poste qui n’est pas forcément en lien avec la spécialité dans laquelle ils ont passé les épreuves, et/ou qui n’est pas suffisamment encadré. Ainsi, à l’issue du parcours de consolidation des compétences de deux ans (PCC, deuxième étape de la régularisation), des Padhue sont susceptibles d’être recalés par les commissions d’autorisation d’exercice (CAE), troisième et dernière étape avant l’inscription au tableau de l’Ordre, faute d’avoir occupé un poste suffisamment encadré et en adéquation avec la spécialité du praticien.
« Mais la DGOS ne sait pas trop quoi répondre à nos estimations. Ils nous ont demandé comment nous nous y sommes pris et nous leur avons dit que nous nous basons sur des faits qui nous sont remontés », confie le Dr Ayoub Mdhafar, président de la FPS.
Apaiser les tensions
En tout cas, d’après la liste officielle des lauréats affectés à un poste, une très large majorité de Padhue (près de 1 600 sur 2 637) sont envoyés dans les petits centres hospitaliers, réputés pour manquer de bras. Seuls 288 lauréats iront dans les CHU. Le reste se répartit entre des instituts privés à but non lucratif comme Gustave Roussy ou Montsouris (IMM). « C’est une mascarade », s’emporte le Dr Abdelhalim Bensaidi, président par intérim de l’Ipadecc.
Le cabinet du ministre de la Santé, Yannick Neuder, tout comme la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) tentent bien d’apaiser les tensions, recevant tour à tour les différentes organisations syndicales représentatives des intérêts des Padhue pour notamment dessiner les contours de la réforme des EVC, qui devrait s’opérer en deux temps, en 2025 puis en 2026.
Sur le papier, il s’agirait d’abord de scinder le concours en une voie externe d’un côté et une voie interne de l’autre, « en associant les chefs de service, les présidents de CME, les doyens sur la validation sur le terrain de stage, comme nous le faisons actuellement dans nos hôpitaux pour internes », avait détaillé le cardiologue lors d’une session de questions au gouvernement au Sénat en mars. La transformation du concours en un simple examen interviendrait plus tard, en 2026 par la voie législative. Si le ministère de la Santé ne change pas à nouveau de visage d’ici là.
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