Présenté comme « un changement de paradigme », l'article 51 de la loi Sécu 2018 doit encore faire ses preuves. Il vise à expérimenter de nouvelles organisations en santé reposant sur des financements dérogatoires. Il permet à des professionnels de santé, établissements ou industriels de tester des projets innovants notamment sur le parcours de soins et la pertinence de la prescription des produits de santé. Les expérimentations auront une durée maximale de 5 ans.
Depuis le lancement du dispositif il y a un an et demi, les projets se sont multipliés en dépit d'une relative complexité. Fin 2018, 374 projets formalisés avaient été déposés auprès des agences régionales de santé (ARS), précise Natacha Lemaire, pilote des expérimentations d'innovation organisationnelle au sein du ministère de la Santé. Cinq régions (Ile-de-France, Occitanie, Auvergne Rhône-Alpes, Pays de la Loire et Bretagne) concentrent les deux tiers des initiatives. Dans la moitié des cas, ces projets régionaux portent sur la prise en charge de maladies chroniques (37 %) et de personnes âgées (15 %). Une fois sur deux, le porteur de projet est un établissement de santé (public ou privé), beaucoup plus rarement une émanation de la ville (13 %). La coordination et les parcours de soins couvrent la moitié de ces candidatures – les services numériques dont la télémédecine représentant 13 % des cas.
Au niveau national, un peu moins de 50 projets ont été portés à fin 2018 – d'abord par des associations professionnelles mais aussi par des entreprises de dispositifs médicaux ou des start-up. Là encore, le ciblage s'oriente vers les maladies chroniques. Deux projets ont eu des avis favorables (biosimilaires, prise en charge d'enfants obèses).
Délais
« Le dispositif semble avoir rencontré son public, estime Natacha Lemaire. La dynamique se poursuit au premier trimestre 2019 : 78 projets ont été formalisés auprès des ARS, dont presque un quart concerne la population générale, et 12 pour le niveau national. » En revanche, le bilan concret de cette première année reste maigre. Seuls trois projets ont été autorisés en 2018 et une dizaine le seront avant cet été. « Il faut être patient, cela prend du temps car on percute les organisations », plaide Natacha Lemaire.
Complexité et caractère chronophage : c'est la critique formulée par les fédérations hospitalières. « L'article 51 permet de travailler avec souplesse, en abandonnant une logique verticale de financement. Le système est bon, mais aussi très long et lourd pour aboutir à un projet. Attention à ne pas décourager les acteurs ! », met en garde Antoine Perrin, directeur général de la Fédération des établissements privés à but non lucratif (FEHAP). « L'article 51 donne beaucoup de liberté mais aussi beaucoup de responsabilités et de travail. Il ne faut pas en sous-estimer la complexité », renchérit Antoine Malone, responsable du pôle Prospective Europe et International à la Fédération hospitalière de France (FHF).
Suivi post-AVC
Ces lourdeurs ne sont pas insurmontables. Le projet développé par le Pr Maurice Giroud, neurologue au CHU de Dijon, en témoigne. Baptisé « DiVa » pour « Dijon Vascular project » et déployé à partir de septembre, il impliquera infirmiers, généralistes, cardiologues, neurologues sur le département de la Côte-d'Or, en ville comme à l'hôpital. Objectif : le suivi intensif commun des AVC et des infarctus du myocarde pour prévenir les récidives et complications. « Un parcours de suivi intensif pluri-professionnel est développé, avec en première ligne des infirmières hospitalières et de ville formées à la détection des risques de récidive, qui revoient les patients tous les trois mois. Les pharmaciens jouent également un rôle sur la iatrogénie avec le traitement anticoagulant », explique le Pr Giroud. Le généraliste est informé tout au long du suivi, et le patient est revu par le cardiologue et/ou le neurologue. Au titre de l'article 51, le projet a obtenu un statut de consultation dérogatoire et une rémunération des infirmiers et des pharmaciens au forfait.
Au bout de 24 mois, un suivi-médico économique doit permettre de quantifier le nombre d'hospitalisations programmées et non programmées pour les patients du projet, en espérant une diminution des réhospitalisations.
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