Du nouveau dans l’affaire de harcèlement moral des internes au centre hospitalier universitaire (CHU) de Brest. Dans une décision rendue le 19 août, le Conseil d’État a annulé le rejet d’une plainte déposée l’an passé devant la juridiction disciplinaire des personnels enseignants hospitaliers à l’encontre de l’ancien chef du département d'anesthésie-réanimation et professeur des universités à l'université de Bretagne Occidentale. En clair : la procédure disciplinaire repart de zéro.
Cette juridiction disciplinaire, composée à moitié de professeurs de médecine et, de l’autre, de disciplines différentes, avait été sollicitée par les ministres de la Santé (Aurélien Rousseau) et de l’Enseignement supérieur (Sylvie Retailleau) en juillet 2023. Après le rejet en juillet 2024 de la plainte, Ségur a demandé au Conseil d’État d’annuler cette décision dès le mois d’août 2024 et à nouveau en avril 2025.
La commission d’enquête administrative diligentée par la directrice générale et le président de la commission médicale d’établissement du CHU de Brest a recensé 38 témoignages écrits et réalisé 83 entretiens individuels. Dont celui de l’intéressé, qui a passé huit ans à la tête du service d’anesthésie-réanimation avant d’être destitué de ses fonctions, début 2023.
Pression excessive et injustifiée
Dans le rapport de synthèse, la commission relève, explique le Conseil d’État, que, d’une part, « des dysfonctionnements graves et répétés entretenant un climat de stress intense et de peur au quotidien, excédant manifestement les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et ayant pour conséquence un vécu de souffrance au travail ». Tandis que d'autre part, « et pour une majorité d'entre eux, des propos dévalorisants et humiliants à l'égard de plusieurs étudiants, ainsi que des critiques virulentes et répétées sur la qualité de leur travail ».
Pour autant, la juridiction disciplinaire avait jugé, cite le Conseil d’État, que « beaucoup de ces témoignages étaient indirects et peu circonstanciés » et que « d’autres témoignages relevaient en sens contraire que le comportement [du mis en cause] n’était empreint d’aucune malveillance, poursuivait des finalités pédagogiques et relevait de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique ».
Or, le Conseil d’État affirme qu’il ressortait des pièces du dossier des constatations de la commission d’enquête administrative « qu’en ayant dénigré de manière répétée plusieurs de ses étudiants et exercé une pression excessive et injustifiée contribuant à une dégradation du climat de travail, le comportement [du mis en cause] est constitutif d'un manquement aux obligations déontologiques des médecins ». Ainsi les faits ont été « inexactement qualifiés » par la juridiction disciplinaire pour le Conseil d’État.
Les internes attendent la suite
Ancien externe à Brest, le président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), Killian L’helgouarc’h, se satisfait de cette décision. « Nous sommes très contents que le Conseil d’État casse la première décision de la juridiction disciplinaire, que nous estimions déconnectée de la réalité du dossier. Nous attendons maintenant la suite de la procédure, ainsi que les avancées côté pénal et ordinal, d’ici la fin d’année ». En effet, une plainte a été déposée par l’Isni en 2023, en coconstruction avec la quarantaine d’internes qui ont subi ces violences présumées et « avec beaucoup d’éléments concordants », glisse le bientôt médecin généraliste.
Car, en somme, conclut-il, l’objectif est aussi symbolique : « Cette plainte est importante pour l’ensemble des internes, afin de démontrer que ces faits présumés, qui sont encore une réalité dans beaucoup de services, sont qualifiables pénalement et condamnables. Les médecins, au même titre que les autres citoyens, ne sont pas intouchables ».
Pour l’heure, l’ancien PU-PH – qui a toujours nié les faits lui étant reprochés – a été muté à Paris et exerce la médecine sans responsabilité managériale.
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