DES TRACTS quotidiens adressés par mail, des groupes créés sur les réseaux sociaux (Facebook et Twitter), des échanges téléphoniques… Le syndicat Le BLOC, très bien implanté parmi les spécialités des plateaux techniques lourds (PTL), se mobilise activement pour assurer le succès de son mouvement de grève contre l’accord conventionnel qui encadre les dépassements d’honoraires.
Après une analyse technique et juridique, le syndicat a arrêté sa position. Il estime que l’avenant 8 signé le 25 octobre par l’assurance-maladie, les organismes complémentaires (UNOCAM) et trois organisations de médecins (CSMF, SML et MG France) signe « la mort de l’exercice libéral de l’anesthésie, de la chirurgie et de l’obstétrique ». Le BLOC a donc lancé un mouvement d’arrêt d’activité illimité des blocs opératoires à compter du lundi 12 novembre, 7 heures. Il organise une manifestation mercredi 14 novembre à 14 heures devant le ministère de la Santé. « Nous assurerons la continuité des soins des patients dans nos services et les urgences seront transférées sur les centres hospitaliers publics », assure le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC.
Selon le syndicat, cet accord ne répond en rien à la problématique des plateaux techniques lourds. « Le plafond de 150 % du tarif opposable (un repère pour sanctionner les abus) inscrit dans le texte ne correspond pas à la pratique de la chirurgie », déclare le Dr Cuq. De nombreux actes aujourd’hui sont fréquemment facturés à des dépassements supérieurs à cette limite ; le chirurgien redoute qu’un encadrement strict, à terme, interdise l’accès à l’innovation thérapeutique. Il prend l’exemple de la cure chirurgicale de varices dont le complément d’honoraires, souvent compris entre 200 et 300 euros, permet l’accès à la procédure « closure », une alternative mini-invasive « achetée 250 euros et non remboursée par l’assurance-maladie ». « Selon les textes, nous avons déjà des pratiques tarifaires excessives », souligne le Dr Cuq.
« Dindons ».
Le nouveau dispositif prévoit de confier le contrôle des pratiques tarifaires à des commissions paritaires entre l’assurance-maladie et les médecins libéraux. « Il suffit qu’un médecin penche avec l’assurance-maladie pour condamner un confrère », avance le Dr Didier Legeais, vice-président de l’UCDF.
Autre grief : l’investissement de la CNAM et des complémentaires sur les tarifs opposables, à hauteur de 330 millions sur 3 ans, porte essentiellement sur les soins primaires. Pas sur les actes chirurgicaux. Ces derniers, selon les calculs syndicaux, seraient revalorisés de 8 % sur 3 ans dans le cadre de la CCAM technique. L’absence de prise en charge claire des dépassements par les complémentaires est également vécue comme un non-sens. « Nous avons l’impression d’être les dindons de la farce, explique le Dr Didier Legeais. Une complémentaire santé d’un montant de 300 euros va être offerte à 4,7 millions de personnes éligibles à l’ACS et ces gens seront soignés sans dépassement d’honoraires, c’est un cadeau magnifique du gouvernement aux complémentaires santé ». La proposition de loi du groupe socialiste pour autoriser la création de réseaux de soins mutualistes est montrée du doigt. Elle fait craindre au BLOC des prises en charge différenciées selon le secteur d’exercice des médecins et la « désolvabilisation » des praticiens à honoraires libres.
Pour un nouvel avenant
Les chirurgiens réclament de nouvelles négociations pour obtenir un avenant spécifique. Le BLOC souhaite une revalorisation immédiate de 25 % des tarifs opposables « sur tous les actes de bloc opératoire » et demande un engagement des complémentaires à prendre en charge un « plancher de remboursement » des compléments d’honoraires (de 30 à 50%). En contrepartie, les praticiens s’engageraient à plafonner leurs dépassements à « 200 ou 300% », ajoute le Dr Cuq. Cette proposition d’un contrat d’exercice chirurgical avait déjà été formulée en 2008 par l’UCDF.
Les journées de mobilisation du 12 et du 14 novembre auront valeur de test pour les chirurgiens, soutenus par de nombreuses verticalités - le Syndicat des ORL est le dernier en date - ainsi que par la section spécialiste de la FMF (FMF-US). Elle demande des « honoraires adaptés à l’évolution des coûts » pour « investir » et « préserver la qualité du service ».
Le patron de la FHP-MCO (cliniques) a apporté son soutien au mouvement des chirurgiens. « Nous sommes solidaires car l’avenant 8 est trop flou et nous redoutons les conséquences sur l’installation en libéral pour les chirurgiens libéraux », explique Lamine Gharbi, président de la FHP-MCO. « Le mouvement va dépasser le cercle des chirurgiens avec les internes, les radiologues et l’Union française des médecins libres (UFML) », veut croire le Dr Cuq.
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