Plus de trois millions de séjours hospitaliers n'ont pu être réalisés en 2020 et 2021, selon les estimations de la Fédération hospitalière de France (FHF) qui se base sur une comparaison avec l'activité des hôpitaux publics en 2019. La faute évidemment à l'épidémie de Covid qui a conduit à des reports d'interventions chirurgicales (1,3 million de séjours en moins sur ces deux années par rapport à l'attendu) et également à des reports massifs de séjours en médecine (1,8 million sur deux ans).
Mais surtout, « l'activité continue à diminuer à l'hôpital public malgré les efforts constants des équipes, a expliqué Zaynab Riet, déléguée générale de la FHF, ce jeudi lors d'une conférence de presse. Nous n'arrivons pas à rattraper le retard. Cette situation est également largement liée aux tensions sur les effectifs et donc sur le capacitaire ». Des difficultés de RH que la fédération a voulu documenter précisément car leur ampleur fait régulièrement l'objet de batailles de chiffres.
Absentéisme en hausse, difficultés de recrutement partout
Ainsi, l'absentéisme a effectivement beaucoup augmenté : il atteignait en moyenne 9,9 % en 2021, soit un point de plus qu'en 2019 et 2,4 points de plus qu'en 2012, selon une enquête réalisée par la FHF auprès de 400 établissements. Un plateau semble toutefois se dessiner désormais, sauf dans les CHU où il continue de progresser.
En revanche, si les équipes sont fatiguées, elles ne quittent pas pour autant massivement le navire, contrairement à une idée répandue. La même étude montre que les établissements publics ont même enregistré une hausse moyenne de 3 % de leurs effectifs temps plein en trois ans. Insuffisant cependant au regard du très grand nombre de postes vacants.
Signe de la gravité de la situation, la totalité ou presque (99 %) des hôpitaux et Ehpad publics déplorent des difficultés de recrutement. En avril, la part de postes d'infirmières vacants était de 4 % dans les CHU/CHR et de 6,6 % dans les établissements plus petits. Ces difficultés ont une quadruple conséquence, déclarent les directions hospitalières : une fatigue accrue des équipes (dans 90 % des CHU/CHR et 93 % des autres hôpitaux), une hausse des heures supplémentaires (90 % vs 97 %), une augmentation du recours à l'intérim (65 % vs 70 %) et in fine des fermetures de lits (85 % vs 57 %).
Modéliser la notion d'attractivité
Hors médecins, « la catégorie infirmière reste la première priorité en matière de recrutement dans la fonction publique hospitalière », indique la FHF.
Et, comme l'a illustré récemment la difficulté du service d'hématologie de l'hôpital Saint-Louis à Paris, c'est la nuit que c'est le plus compliqué : 90 % des postes à pouvoir en CHU/CHR et 60 % dans les hôpitaux les plus petits.
Enfin, les secteurs d'activité qui peinent le plus à recruter sont la gériatrie et les blocs opératoires. À l'hôpital public, « la question de l'attractivité dépasse le cadre de la rémunération, recadre Sophie Marchandet, responsable du pôle RH de la FHF. Malgré les rattrapages de niveau de rémunération grâce aux accords du Ségur, les difficultés de recrutements perdurent. Ce qui est important, c'est le sens et les conditions de travail. »
De leur côté, « les médecins ont modélisé la notion d'attractivité, laquelle repose sur trois paramètres : la qualité de l'exercice professionnel, l'accès à l'innovation et la rémunération, est aussi venu rappeler le Pr François-René Pruvot, président du conseil scientifique de l’investissement en santé. Les deux premiers sont les plus importants ». Ainsi, a-t-il relativisé, sur les 5 000 hospitalo-universitaires, 300 entrent à l'hôpital chaque année et 250 en sortent dont seulement 30 par démission. « C'est effectivement symbolique fort quand cela arrive, mais c'est extrêmement rare », a-t-il commenté.
Plan de continuité des soins
À noter enfin qu'à l'hôpital public, à peine 0,3 % des agents, soit entre 4 et 5000 — soignants et non soignants — sont suspendus faute de vaccination. Une éventuelle réintégration des non-vaccinés, comme l'avait évoqué Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle, est donc un non-sujet pour la FHF tant l'urgence est ailleurs.
Dans l'attente des conclusions de la mission de François Braun, président de Samu Urgences de France, prévues en début de semaine prochaine, la FHF plaide toujours pour la mise en place par les agences régionales de santé de « plans de continuité des soins dans les territoires ». « Il faut s'assurer que l'hôpital ne soit pas seul, dans les périodes creuses de l'été, à porter l’organisation des soins et la prise en charge des Français, a résumé Frédéric Valletoux, président de la FHF. Nous lançons un appel à la responsabilité collective ».
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