Passer d'un taux de prescription d'arrêts de travail trois fois supérieur à la moyenne régionale (susceptible de sanction) à un taux normal, sans rien changer de ses habitudes ! C'est ce qu'ont vécu plusieurs médecins de la FMF, syndicat qui a relayé les courriers adressés par la caisse primaire de l'Eure.
Un médecin qui présentait une hausse de 131 % de ses prescriptions d'arrêts de travail en 2017, a ainsi été contacté par sa caisse à la mi-décembre 2017. Celle-ci le prévenait que cette évolution dynamique de prescriptions pouvait conduire « à la mise sous objectif ou la mise sous accord préalable » – avec une moyenne de 11,4 journées indemnisées par consultation sur la période ciblée (mars à juin 2017), alors que la moyenne normande se situe à 4,15.
Un mois plus tard, la même caisse recontacte le médecin mais, miracle, tout a changé ! Les prescriptions d'arrêts de travail du médecin ne sont plus hors des clous, à la faveur d'une modification prévue dans la loi Sécu 2018 qui régit les modalités de contrôle médical des caisses. « Le critère désormais retenu pour proposer une mise sous objectifs ou pour soumettre les prescriptions d'arrêts de travail à l'accord préalable (...) est le nombre d'indemnités journalières prescrites rapporté au nombre de patients [et non plus au nombre de consultations] au cours de la période étudiée », indique la caisse dans son courrier. Au regard de cet indicateur, la moyenne du médecin se retrouve dans la moyenne régionale observée chez des médecins ayant une activité « comparable ».
Délit statistique
La Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM) confirme ce changement. « L’article 61 de la LFSS 2018 vient modifier l’un des critères autorisant la mise sous objectif ou mise sous accord préalable de médecins prescripteurs d’arrêts de travail donnant lieu à versement d’indemnités journalières », précise la caisse au « Quotidien ». Ce changement, qui a pris effet au 1er janvier 2018, vise à « améliorer la pertinence des constats permettant au directeur de l’organisme d’engager ou non une procédure de mise sous objectif ou mise sous accord préalable », ajoute la caisse.
Il n'empêche. L'affaire fait un peu désordre alors que les syndicats médicaux stigmatisent depuis des années ce qu'ils qualifient de « délit statistique » dans les procédures de contrôle des prescriptions. « Les procédures disciplinaires à l’encontre des médecins jugés trop gros prescripteurs d’arrêt de travail ne reposent sur aucune base solide, tonne le Dr Richard Talbot (FMF), qui a levé le lièvre. On peut faire dire tout et n’importe quoi aux chiffres, il suffit de les tordre dans le bon sens. Les statistiques des caisses ne tiennent compte ni du profil de la patientèle, ni du lieu d’exercice, ni de la pénibilité du travail, ni des accidents de travail, en bref d’aucun élément médical. Et c’est la CPAM 27 qui nous le confirme, par écrit...».
« Les caisses ont des progrès à faire dans le ciblage, comme prendre en compte la zone d'installation des médecins qui peut influer sur les prescriptions d'arrêts de travail, mais cette évolution va dans le sens d'un apaisement des relations avec les médecins », tempère le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Le généraliste de Clamart souhaite que les commissions de conciliation, en place dans une dizaine de départements, soient étendues à toutes les caisses primaires.
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